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Le beau Toff (2)

Publié par le Samedi 1 Avril 2006, 19:00 dans la rubrique Bric à brac - Version imprimable

Source : Technorati

Comme je ne sais pas écrire court (sauf dans mon journal), voici la suite de la rencontre avec le beau Toff. Mieux vaut lire le premier billet avant d'entamer celui-ci, pour la cohérence de l'histoire.Rappel réactualiséProtagonistes : Gnagna Man, chef de pub. Le beau Toff, grand chef des variateurs de vitesse. La grande Loulou, red en chef. Fraisette, chef de la technique, Grognon, chef de la coordination. Jésus, notre chef à tous.Date : au printemps, un certain jour de grève qui a jeté dans la rue, d’après mes sources, 2,789 millions de personnesLieu : une rédaction banale, et un petit resto dans une petite rue parisienne, où un jour, il y avait des fleurs sauvages autrefoisActe III : la désillusionDirection le resto, où Gnagna man, homme prévoyant, a réservé… en non-fumeur. Pas grave, le beau Toff et moi savons nous tenir, nous n’empesterons pas nos voisins. Discussion à bâtons rompus pendant tout le déjeuner. C’est bien ça le problème quand on rencontre un vendeur passionné par son secteur (et nonobstant son charme) : il finit par vous intéresser au secteur en question. Je découvre au passage qu’il habite non loin de là où j’ai été élevée ; que c’est un vrai vendeur, bien carnassier avec les concurrents, un peu menteur sur les bords aussi. Je le mets en face de ses contradictions, mais ça ne le démonte pas. Au contraire, il me qualifie souvent de petits coups d’œil taquins. Pendant ce temps, le Gnagna man émet des borborygmes du genre « Mpfff », « Mmmm, mmmmm », et des phrases plus construites du genre « c’est bien vrai », toutes dénotant une intelligence suprême. Son rôle est particulièrement ingrat, car si les vendeurs viennent nous voir, sur ses supplications, c’est pour discuter avec la rédac, pas pour ses beaux yeux. En général, les vendeurs ne se font plumer que s’ils sont sûrs que la rédac s’intéresse à leur produit miracle.Et là, coup de théâtre. Le beau Toff nous annonce que sa worldwide business unit (ils adorent ce genre de termes, dans les groupes industriels) leur a intimé l’ordre de ne pas passer de publicité, mais de faire des conférences de presse pour faire venir les journalistes. Je sens le Gnagna man défaillir à ma droite. Vite ! Qu’on apporte des sels, un homme se sent mal !Acte IV : on y croit très fortPuis le beau Toff lâche un mot magique : publireportage. Ceci est autorisé par la worldwide business unit. Je l’aiguillonne, parce que je les connais, les gens du marketing (merci soeurette de m’avoir éclairé sur ton métier de marketing dans un grand groupe industriel) : ils confondent publi-reportage et rédactionnel. Pour eux, un bon journaliste est un journaliste à leur botte (l'expression "un bon journaliste est une journaliste mort" étant valable pour certains gouvernements). Non, le beau Toff parle bien du vrai publi-reportage, de 4 pages avec indiqué, en caractère 8 minimum quelque part publi-reportage, ou bien information, ou quelque chose d’encore plus flou. Je lui signale que notre journal n’est pas contre cette formule, mais que ce n’est pas la rédac qui écrira le publi. Et là, il assène le coup final à Gnagna man : « Vous, vous avez une sacrée fibre commerciale », me dit-il, avec son grand sourire carnassier. Je lui rends mon plus beau sourire, tandis que je sens un Gnagna man qui sombre dans l’inconscience, toujours sur ma droite. Les sels ne semblent pas suffisants.De retour au bureau, le beau Toff n’avait plus envie de partir. Il nous glisse qu’il avait réservé sa journée à la presse, avec un petit œil coquin. Mais bon, le boulot et Grognon me rappellent à l’ordre. Je le fais cependant passer sur mon ordinateur, pour qu’il me montre en live, sur Internet, une documentation technique « du tonnerre ». Il a un peu de mal à passer au dessus des piles que j’accumule consciencieusement par terre, pour que personne ne rentre dans mon espace privé… et aussi par manque de place sur un bureau désormais surchargé (assurément un signe de cheffitude). Il réussit à me faire planter le PC, qui ne fonctionnera correctement qu’au troisième redémarrage après son départ. Et puis le beau Toff part. J’agite le mouchoir blanc …  Oups, pardon, j’ai dû rêver, là.ActeV : affronter sa hierarchieJe descends illico presto dans le bureau de Jésus pour lui parler des publis. Parce que je sais que Gnagna man ne sait pas vendre des publis. Un jour, Jésus avait insinué que je pourrais en vendre, car je suis la plus connaisseuse du secteur et surtout la plus public relation des trois (moi, Jésus et le Gnagna). J’ai eu des aigreurs d’estomac pendant la semaine qui a suivi cette proposition, à l’automne dernier. Il n’est plus jamais revenu sur le sujet après que je lui ai fait part de mon malaise : moi, journaliste, vendre des publis. Trahison !Mais là, je voudrais insister sur le fait qu’un publi de 4 pages, ça ne se refuse pas. Je peux même lui trouver un rédacteur, journaliste à ses heures perdues, qui ne travaille jamais pour la rédac. Et là, Jésus me stupéfie. Peut-être est-il perturbé parce qu’il range son bureau au même moment, ce qui lui arrive trois fois par an (moi, c’est une demi fois par an) ? Quoi qu’il en soit, il me dit « oui, mais ça fait moins de marges ». Quoi ! Sans lui évoquer la manne financière pour un pigiste en crise, je hausse un sourcil désapprobateur : ce n’est pas Gnagna man qui va l’écrire, il fait trois fautes par mot et question style…. En plus, au rythme où Gnagna man ramène des pubs, on ne crache pas sur un publi. Je tente de trouver les mots justes (professionnellement) : on fidélise un annonceur, c’est bon pour l’image de marque du magazine, on peut lui vendre des tirets à part avec de la marge. Bref, je lui ressors tout ce qu’il m’a appris depuis mon arrivée. Jésus doit partir, la conversation est écourtée sans réponse de sa part.Acte VI et conclusion : un peu de changementJe remonte et décrète que les postes ont désormais changé : je vais devenir chef de pub. Fraisette se propose pour écrire, contre rémunération, le publi. Toi, qui ne voulais pas aller déjeuner avec lui! Vendu, va ! Et Grognon souligne qu’elle peut mettre en page le publi, aussi contre rémunération. Vendue aussi !Mais qui remplira pendant ce temps les 68 pages avec des articles dont les informations ont été durement acquises : à coup de sueur contre le combiné téléphonique quand on se bat contre un vanteur vendeur de produit miracle qui veut savoir quand son texte passera pour passer de la pub en même temps (et de préférence dans la même page) ; ou en plongeant dans les bassins d’épuration pour vérifier que la combinaison qu’on nous vante est bien étanche  ? J’ai trouvé : le Gnagna man.


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