L'idée
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Source : Monde à l'envers 
Les romains, nous dit-on, étaient friands de spectacles sanguinaires : voir dans l’arène des condamnés à mort être livrés à des fauves affamés, était pour le peuple un divertissement prisé, et pour le Prince un moyen efficace de le rendre plus servile. Mais nous tous, qui nous prévalons aujourd’hui de plus d’humanité, sommes-nous si différents ? N’est-ce pas en effet à des pulsions analogues que nous donnons satisfaction lorsque nous nous faisons les spectateurs complaisants d’émissions donnant à voir le lynchage public, par des professionnels du petit écran peu scrupuleux, d’individus sans défense ? C’est en tous les cas ce à quoi m’a fait penser ce billet de Philippe Bilger, une indignité dominicale. Ainsi, il est inconcevable aujourd’hui qu’un homme soit mis à mort publiquement, et c’est tant mieux. Malgré cela, on assiste régulièrement à des mises à mort publiques de personnalités dont la « face sociale » et la dignité se trouvent immolées, sous le regard amusé ou indifférent du téléspectateur. Dans une société civilisée, on ne prend donc pas plaisir à la mise à mort physique des faibles, on se divertit en revanche de leur mise à mort sociale. C’est sans doute un progrès, mais qui témoigne en même temps du chemin qui nous sépare de « la perfection à laquelle l’humanité est destinée », selon une expression de Kant dans ses Réflexions sur l’éducation.