L'idée
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Source : Le blog du bouchon
Au bord du Lac majeur © La grande LoulouDans le village où j'ai grandi, les cloches de l'église sonnaient toutes les demi-heures. Cela ne m'avait jamais dérangé, bien au contraire. Si par hasard j'étais sujette à une insomnie, il me suffisait d'attendre la cloche pour savoir quelle était l'heure (ou si j'étais entre deux heures rondes, ce qui je le reconnais, n'est pas vraiment utile). Et j'aimais ce moment de silence dans le village, car même les piafs dormaient. Moment de silence à peine troublé par le dong des cloches. C'était bien là ma seule relation avec l'église.À mon arrivée à Paris pour le bac, les cloches et les oiseaux me manquaient. A contrario, lorsqu'un ami de fac est un jour venu dormir chez mes parents, nous l'avons vu arriver au petit déjeuner les cernes profonds et la mine déconfite : impossible pour lui de trouver un sommeil réparateur entre la cloche toutes les demi-heures et les piafs qui s'en donnaient à coeur joie tôt le matin. Entre les tours de la Défense et un petit village coincé entre forêt, champs et fleuve, le contraste sonore fut trop saisissant.Les contentieux sont nombreux, déclenchés par des citadins qui achètent à la campagne en pensant fuir l’activité trépidante des villes. Dès leur arrivée, certains de ces néo-ruraux ne supportent pas le moindre coq en verve, la plus petite cloche sautillante, ainsi qu'une valetaille, oiseaux et chiens, à l'oeuvre dès l'aurore. Auparavant, un scooter vrombissant ou une alarme hurlante ne les empêchaient pas de dormir du sommeil du juste.Ces contentieux sont toujours réglés localement. Le 11 juin 2004, le tribunal administratif de Strasbourg rendait sa décision dans l’affaire qui opposait la commune de Bliesbruck à l’habitant Navarro. Ce dernier s’insurgeait contre un tintement tous les quarts d’heures qu’il jugeait intempestif. Il demanda donc que la commune lui verse 762,5 euros par infraction constatée au règlement département des cloches et 3000 euros de dommages et intérêts. Le tribunal lui a refusé, notamment sur le motif que cela ne gênait que ce nouvel arrivant, mais pas ses voisins, vieux habitués des cloches.Banale querelle de clochers ? En fait, cette décision du tribunal cache une législation particulière à l’Alsace-Moselle, et touche à la séparation de l’église et de l’état.C’est pourquoi le 5 avril dernier, le sénateur Jean-Louis Masson (Moselle) a déposé un projet de loi relative à la réglementation des sonneries de cloches dans les départements d'Alsace-Moselle.Les trois départements d’Alsace-Moselle, et quelques autres petits territoires, ne sont pas régis par la séparation de l’état et de l’église comme dans le reste de l’Hexagone. Hormis ces exceptions territoriales, c'est l'article 27 de la loi du 9 décembre 1905 (et le décret du 16 mars 1906), relative à la séparation des églises et de l'état qui définit le dong.« Les sonneries des cloches seront réglées par arrêté municipal et, en cas de désaccord entre le maire et le président ou directeur de l'association cultuelle {NDLR : l’église}, par arrêté préfectoral. Le décret en Conseil d'État prévu par l'article 43 de la présente loi déterminera les conditions et les cas dans lesquels les sonneries civiles pourront avoir lieu ».En Alsace-Moselle, l'article organique 48 de la loi du 18 germinal an X relative à l'organisation des cultes reste en vigueur. Il prévoit que « l'évêque se concertera avec le préfet pour régler la manière d'appeler les fidèles au service divin par le son des cloches. On ne pourra les sonner pour toute autre cause sans la permission de la police locale ». Côté cloches civiles, aussi nommées horloges, comme il n’existe aucune disposition législative, c’est par défaut un article du code général des collectivités territoriales qui prévoit que le maire est seul chargé de leur administration.Jusqu’ici tout allait bien, et les conflits étaient réglés localement. Sauf que trois petits articles dans une réglementation signée le 29 août 1991 par le préfet et l’évêque de Moselle ont ouvert une brèche dans le droit, brèche qu’a tenté d’exploiter le sieur Navarro. Le premier article exige la présence du titulaire de la paroisse, aux côtés de la police locale, pour faire sonner les cloches en cas extrême (et donc non religieux). Le second interdit aux cloches divines de se faire connaître entre 20h et 8h, tandis que le troisième soumet les cloches civiles au même règlement que leurs alter ego religieuses.Jean-Louis Masson s’est ému d’un préfet qui « n'avait rien à faire de plus important que de s'immiscer dans la vie des communes et des paroisses pour réglementer les sonneries de cloches », mais aussi de l'ingérence de l’évêque. Luino, Italie © La grande Loulou
Il propose donc de modifier l'article organique 48 de la loi du 18 germinal an X avec un article reléguant l’évêque et le préfet aux oubliettes, et accordant la décision aux seuls titulaire de la paroisse et maire.
Ce faisant, il place la décision au niveau local, mais ne touche pas à la sacro-sainte fusion de l’état et de l’église dans ces départements. Son second article (code des collectivités) met le maire seul responsable des horaires de tintement des horloges. Et enfin l’article 3 (code de la santé publique) exclut les cloches et horloges du périmètre des bruits du voisinage. Ce projet a été renvoyé à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.Ce qui ne fut pas le cas de l’autre projet déposé par Jean-Louis Masson, bien plus médiatique. Il proposait en effet de compléter le dernier alinéa de l'article 3 de la Constitution par la phrase :« Elle peut comporter des mesures spécifiques destinées à promouvoir dans tous les domaines, une véritable égalité entre les hommes et les femmes ».