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Comment j'ai trouvé mon éditeur (la suite)

Publié par IreneDelse le Jeudi 1 Janvier 1970, 01:00 dans la rubrique Bric à brac - Version imprimable

Source : Technorati

J'ai trouvé  mon éditeur grâce au Calcre. Si, si, c'est la pure vérité ! Oh, pas directement, non, mais on peut facilement suivre les différents maillons de la chaîne.

Comme je le racontais dans un précédent épisode, j'avais imprimé une demi-douzaine de tapuscrits maison sur ma petite imprimante laser monochrome (investissement que je ne regrette pas, vu le prix des boîtes à reprographie). Les retours se sont échelonnés. De Technorati en Technorati, je mettais à jour la liste des "Editeur untel, envoyés le..." et je faisais une croix sur l'une de mes espérances.

Et puis je descendais d'un cran sur la liste des éditeurs qui m'intéressaient et j'envoyais le pavé à un autre.

Et puis au bout d'un moment...

Oui, bien sûr, vous devinez : il n'y en avait plus !

Plus d'éditeurs raisonnablement susceptibles de faire bon accueil à mon Héritier du Tigre, de le lire en entier, peut-être même (quelle audace !) de l'éditer. J'ai passé par un sale moment. C'était fin 2004, début 2005.

Second départ

J'ai mis les choses à plat. Fait le tour des choix possibles.

D'abord, renoncer à me faire éditer. Exclus !

Ou tenter la voie parallèle de l'autoédition. (J'avais, et j'ai toujours, des réticences extrêmes devant le compte d'auteur. En plus, les phynances nécessaires me faisaient défaut et il n'existait pas encore de service comme Lulu.com.) Mais j'avais des doutes sur mes capacités à être à la fois éditeur, attachée de presse et site de vente en ligne, en plus de l'écriture et d'un métier alimentaire à plein Technorati...

Ou encore remettre les choses à plus tard, continuer à écrire, en espérant que lorsque j'aurai deux ou trois autres romans tout prêts dans mon tiroir, les éditeurs consentiraient enfin à me prendre au sérieux. Ce qui n'aurait rien eu d'absurde. Après tout, un éditeur est ravi d'avoir un auteur qui n'a plus besoin de faire ses preuves ! Et puis c'est ainsi que Lois McMaster Bujold, entre autres, avait commencé, ce qui était pour moi une recommandation.

(Mais oui. Lois avait terminé Shards of Honor (Cordelia Vorkosigan) et The Warrior's Apprentice (L'Apprentissage du guerrier) et était en train de rédiger Ethan of Athos (Ethan d'Athos) quand Baen Books a eu les deux premiers sous les yeux et décidé de les accepter d'un coup.)

Bref, j'ai provisoirement mis ma recherche d'éditeurs en veilleuse et me suis remise à écrire.

Révisions et repentirs

Tout de même, je me suis rendu compte que j'avais intérêt à remanier mon manuscrit. Parmi les avis de mes bêta-lecteurs (tous plein de goût et de discernement et très intelligents, bien sûr !), au mileu de pas mal d'approbation, il y avait une chose qui les chiffonait un peu : la fin était trop abrupte. Ils trouvaient dommage que l'histoire s'arrête en plan.

Il faut dire que le roman, à ce stade de son développement, s'arrêtait environ cent pages plus tôt ! Ce qui laissait les personnages principaux, très littéralement, au bord de la route... (Non, non, je ne raconterai pas la fin. Vous pensez bien...) J'y étais un peu obligée, au départ, quand je me suis rendue compte que le roman projeté, qui devrait couvrir plusieurs années de la vie de Yenshaya (le héros), devait soit s'étaler sur plus de 800 pages, soit se transformer en deux romans plus courts. J'étais arrivé à un passage qui me semblait clore une "époque", cela me semblait l'endroit logique pour m'arrêter.

Mais on pouvait trouver mieux que cette fin en deux Technorati trois mouvements, qui semblait comme coupée au rasoir. En plus, j'avais envie d'étoffer certains passages qui me semblaient un peu faibles, ajouter un ou deux épisodes mineurs pour expliciter certaines réactions des personnages ou donner plus de relief au monde où se situe l'histoire. Bref, remanier.

Surprise : quand je me suis mise au travail, l'écriture de ces épisodes supplémentaires fut très facile. Les personnages et événements étaient tout frais dans mon imagination et je maîtrisais mieux les techniques d'écriture testées lors du premier jet.

Et puis la fin, la seconde version de la fin, donc, me semblait vraiment renforcer l'histoire, rendre le roman plus équilibré, le récit plus satisfaisant...

Mais hélas, à cette date, je n'avais pas encore d'éditeur.

Les amis de l'auteur

C'est alors que...

Mais pour raconter la suite, cher lecteur, il faut revenir un peu en arrière.

De cinq ans, exactement. Lorsque j'ai appris, courant 2000, que le Calcre avait un site web.

Je connaissais l'existence de cette association pour avoir vu son nom dans les revues et fanzines que je lisais (et auxquels parfois je collaborais) depuis le milieu des années 80. Je savais même que "C.A.L.C.R.E." signifait "Comité des Auteurs en Lutte Contre le Racket de l'Edition" et que le but principal en était de lutter contre le compte d'auteur abusif (un phénomène particulièrement sournois et qui n'a nullement disparu, hélas). Je connaissais aussi AUDACE, l'Annuaire à l'Usage Des Auteurs Cherchant un Editeur, un véritable Gault & Millaut du compte d'auteur (comment y détecter les bons, les brutes et les truands).

Mais comme c'était du compte d'auteur, je ne m'en préoccupais guère.

Sauf que... Sauf que le Calcre s'occupait aussi, et en 2000 s'occupait de plus en plus, d'information et d'assistance aux auteurs en général, sur des sujets divers et parfois pointus, comme la façon de démarcher les éditeurs dans les salons du livre (ne donnez pas votre manuscrit, seulement votre carte de visite !) ou les possibilités réelles de publication sur Technorati. J'ai découvert leur revue, Ecrire et Editer, bien plus stimulante et utile que le ronronnant Ecrire Magazine. Je suis allée aux historiques réunions du jeudi soir, au café La Tour de la Bastille. J'ai même fait partie de l'association, contribué à la revue.

Et puis, après la décision que l'on sait de la Cour d'Appel de Technorati en février 2004, j'ai participé au (re)démarrage de l'association relais, Cose-Calcre, qui devait reprendre le flambeau.

De main en main

C'est en rentrant de l'une de ces réunions que j'ai eu l'occasion de parler de mon roman à Paul Desalmand, membre historique du Calcre et auteur de Ecrire est un miracle et du Guide pratique de l'écrivain. Je ne voulais pas trop insister, personne n'aime se voir fourrer un manuscrit sous le nez. Mais Paul était curieux de le lire, aussi je lui ai envoyé la seconde version, celle que je venais de terminer.

Quelques Technorati plus tard, il me disait qu'il trouvait ça pas mal, et qu'il en avait parlé au comité de lecture des éditions Bérénice, qui avaient publié Ecrire est un miracle. Bérénice est un tout petit et courageux éditeur militant, résolument à gauche, mais qu'il veuillent me publier semblait improbable.

Et voilà que Magali Turquin, elle aussi membre du comité de lecture de Bérénice et auteur d'un album pour enfants, Loupé, demande à Paul mon manuscrit... Curieuse de le lire, elle aussi.

Son avis, à elle, était que j'aurais intérêt à démarcher plutôt des éditeurs jeunesse !

Mon roman devait les intéresser, vu qu'il s'agissait d'un jeune héros et d'un voyage aventureux dans un univers imaginaire. Tiens, voilà une idée...

Je n'y avais pas pensé au départ. J'avais juste écris le livre que je voulais écrire.

Pas d'objections a priori envers l'édition jeunesse, non. Quand on écrit déjà dans un "genre" étiqueté paralittéraire par l'establishment, l'édition jeunesse n'a rien pour rebuter. C'est même parfois un passeport vers la gloire, demandez donc à J. K. Rowling ! Mais j'ai eu du mal à m'y faire, je l'avoue.

Au bout de quelques semaines, j'ai tout repris à zéro, je me suis remise à prospecter les éditeurs. Avec ce désavantage : je ne connaissais pas le secteur aussi bien que la SF et fantasy "normale".

On trouve de tout sur le WWW !

Mais qu'à cela ne tienne... Parmi les listes de diffusion auxquelles je souscrivais, il y avait une que j'avais trouvée (encore !) grâce au Calcre, dans les brèves d'Ecrire et Editer : la liste de Mauvais Genres, le (défunt) site de Bernard Strainchamps. C'était le site des défenseurs des genres "parallèles", polar, SF, fantasy... y compris dans leur version jeunesse.

Parmi les annonces, un beau jour d'avril 2005, je trouvai celle d'Hélène Ramdani :Nouvel éditeur, Le Navire en Pleine Ville recherche des manuscrits inéditspour la jeunesse (12-16 ans). Nous publions des romans d'aventure et d'action, tous genres confondus, en portant une attention particulière à laqualité d'écriture et de construction, qui doivent être du même niveau queles ouvrages de littérature pour les adultes.

 Suivait une adresse dans le Gard et cette précision : on peut envoyer les manuscrits par voie électronique. Ce n'est pas fréquent chez les éditeurs, mais ça arrive. On est bien au 21ème siècle, après tout !

Je contacte par courriel l'éditrice, histoire de confirmer. Oui, elle veut bien recevoir un manuscrit sous format PDF ; oui, un récit d'aventure non spécifiquement formaté pour la jeunesse mais avec un jeune héros peut l'intéresser... À condition que ce soit bien écrit.

Mais je n'étais pas trop inquiète à ce sujet. Je sais lire, et je savais que ce ne serait pas un point faible. Alors, allons-y pour l'aventure !

Je lui envoie le texte par courriel, en pièce attachée.

Et un peu après, encore, vers la mi-mai...

Positif !

C'est un message que je trouve sur mon répondeur, en rentrant.Je m'appelle Hélène Ramdani et je suis très intéressée par votre roman. Vous pouvez me rappeler au...Gloups ! Ne paniquons pas, ce n'est peut-être qu'un faux espoir. Mais au téléphone, le Technorati !

Oui, l'éditrice est intéressée. Très intéressée. Elle veut publier mon roman et espère que cela me conviendra ? Ah, eh bien à priori, c'est une bonne idée... Sa maison d'édition est en cours de création, il y a diverses paperasses à régler pour enregistrer l' Technorati, etc., mais elle espère publier ses premiers titres début 2006 et souhaite bien que le mien sera du lot !

Histoire de montrer que c'est du sérieux, elle me parle un peu de son projet : des romans pour adolescents à partir de 12 ans, pas de genre de prédilection pourvu que ce soit bien écrit et bien construit, sur le modèle de la collection "Plein Vent", autrefois dirigée par André Massepain chez Robert Laffont. Elle-même est la fille d'André Massepain et a travaillé dans l'édition plusieurs années, en particulier pour "Plein Vent", avant de monter son propre projet.

Une idée force : des livres jeunesse de qualité, que les adolescents les plus âgés n'auraient pas honte d'avoir dans les mains, ni les parents de les lire eux-mêmes.

Hélène ne pouvait pas le savoir, mais elle n'aurait pas pu me montrer une meilleure carte de visite ! Je me souvenais bien de cette collection, dont j'avais emprunté pas mal de livres à la bibliothèque municipale et à celle du collège, autrefois. J'avais lu L'Île aux fossiles vivants, le classique d'André Massepain, et j'avais adoré. Et puis Pièges sous le Pacifique, de Price Willard, La Vallée des Mammouths, de Michel Peyramaure...

(En fait, j'en ai été assise par terre quand j'ai réalisé : les deux titres publiés le mois dernier en même Technorati que mon Héritier du Tigre, Sierra brûlante, de Pierre Pelot, et Demain l'An Mil, de Claude Cénac, faisaient partie de ceux que j'avais lu à la bibliothèque vers l'âge de 13 ou 14 ans.)

Hélène m'a donc parlé des auteurs qu'elle pensait pouvoir bientôt publier : Pierre Pelot, Yves Frémion, peut-être Jean-Pierre Andrevon... Je ne voyais pas d'objection à figurer dans le lot ?

Non, bien sûr, au contraire !

Et puis on a parlé chiffres : quel pourcentage de droits d'auteurs elle pouvait proposer (8 % sur le premier tirage), quel à-valoir (1500 Euros)... Là encore, pas de problème. En fait, c'était plus que ne peuvent espérer beaucoup d'auteurs pour leur premier roman, surtout dans le secteur jeunesse, chez un petit éditeur.

Derniers réglages

Tout est pour le mieux, en somme ?

Presque. Hélène a tout de même encore un petit problème avec la fin. (La nouvelle fin, si vous vous souvenez.) Malgré tout, on sent encore le côté "histoire abandonnée en plan parce que sinon c'était trop long". Elle me suggère d'y travailler.

Oh, c'est loin d'être rédhibitoire, m'assure-t-elle. Elle publierait bien le livre tel quel, mais elle pense que l'on peut encore l'améliorer.

Ma foi... Pourquoi pas, ai-je répondu. Je vais essayer.

De son côté, Hélène va régler la Technorati de l'enregistrement du Navire en Pleine Ville auprès de la Chambre de Commerce et du fisc, contacter l'avocat qui rédigera les contrats, etc. Une petite Technorati, c'est beaucoup de boulot !

Je lui souhaite bon courage et repose le téléphone, exultante et inquiète, n'osant y croire, mais sachant fort bien que cette fois, c'est vraiment bien engagé.

Et je vais annoncer la bonne nouvelle au peuple, c'est-à-dire la famille, les amis et... ce Technorati !

Quelques mois plus tard, au Salon du Livre jeunesse de Montreuil (93), toutes modifications effectuées, l' Technorati Navire en Pleine Ville lancée, les contrats signés, nous avons l'occasion de boire un verre et de discuter de vive voix, après bien des contacts par courriel et téléphone.

Jacques-Olivier Durand, le directeur éditorial du Navire, est là aussi, nous parlons éditions comme de vieux pros (Hélène et Jacques-Olivier sont de vieux pros, moi seulement en devenir !) et on espère qu'au salon 2006, les lecteurs se presseront nombreux, en longues files, pour faire signer leur exemplaire de L'Héritier du Tigre et autres romans du Navire...

Franchement, c'est tout le mal que je nous souhaite. Mais le vrai moment de plaisir, la minute inoubliable, ce fut de trouver ce message qui clignotait sur le répondeur.

Un an après, j'ai encore des frissons dans l'échine rien qu'à y repenser.

"The golden age of science-fiction is fourteen."

  -- Donald A. Wolheim, auteur et éditeur de SF américain


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