L'idée
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Source : Le blog du bouchon
Traduction littérale : le réservoir à idées En français, on parlerait plutôt le cercle de réflexions pour caractériser ces réunions où se rencontrent ceux qui pourraient, par leurs réflexions, changer la face du monde en général ou plus modestement d'un secteur en particulier.Ce midi, j'étais l'invitée d'un think tank. J'ai initialement refusé de venir quand la fille m'a demandé au téléphone de participer à une tribune. "Mon rôle est d'être les fesses sur un fauteuil de la salle et d'écrire, puis de rendre compte de ce qui s'est dit", lui avais-je répondu. Mais elle a insisté en me parlant d'un déjeuner informel plutôt que d'une tribune. Elle a évoqué la présence des membres de ce think tank : un ancien premier ministre aujourd'hui député européen, ce membre du conseil consultatif de l'une des commissions des nations unies et représentant le secteur privé par ailleurs, cet ancien ministre de la coopération puis cet autre, ce directeur général d'une association très active, de ce professeur de droit et chroniqueur dans un hebdomadaire, de ce président d'un think tank mondial, l'ancien conseiller d'un rapporteur de grandes instances internationales sur la question ... Le tout est piloté par une grande entreprise , dont la particularité, suffisamment rare pour être signalée, est de former de tels groupes pour réfléchir sur le devenir de la société. L'impact direct pourrait être d'infléchir la stratégie d'un groupe en perpétuelle adaptation à son environnement, si tant est que les conclusions de ces grands penseurs soient traduites en actions concrètes. Mais cela est aussi du à la personnalité du président de ce groupe, dont je reconnais qu'il est un personnage assez original dans sa démarche.Forcément, je me suis dit que ça pourrait être intéressant, ne serait-ce que pour voir comment fonctionne un réservoir à idées. Quand je lui ai demandé quels autres journalistes étaient invités, elle m'a répondu : "Aucun, vous êtes la seule que nous ayons invitée". Le rôle qu'elle veut me faire tenir - porte-plume indépendant - me convient assez bien au moment où la presse pro se demande si elle doit juste rester spectatrice, ou au contraire devenir acteur dans son domaine.Mon ego a fait trois saltos arrières alors que je me sentais flattée par cette reconnaissance de quatre ans de travail sans relâche pour sortir du trou ce magazine où l'avait mis ses anciens propriétaires. Alors j'y suis allée, le crayon dans une main, la fourchette dans l'autre, et des oreilles transformées en sonar.Constats
ça ne boit pas beaucoup, mais ça fume sec. c'est fascinant. Je n'ai pas d'autres mots pour caractériser ce bouillonnement feutré d'idées qui devraient servir d'axes de réflexion à d'autres grands de ce secteur. les journalistes publient des informations qui sont déjà connues de la plupart des acteurs du secteur. En effet, en deux heures, j'en ai appris plus sur la récente inflexion de l'OCDE en faveur de l'accès à l'eau suite à la recommandation de Koffi Annan, sur les difficultés de la coopération décentralisée avec le refus de partager les expériences des collectivités, sur le débat qui a lieu depuis quelques temps au niveau international sur la corruption, etc...
Les petits plus
quand un ancien ministre de la coopération (à ma gauche) demande à son alter ego (à ma droite) son numéro personnel, mon stylo-plume s'abaisse lentement. Plus loin, l'un des invités me regarde avec un petit sourire en coin. Je relève ma plume. Je note des petites phrases qui feraient de très belles citations, comme les expressions ONG Toyota, ou Pagero-cratie, pour indiquer qu'à certains endroits du monde, il est de bon ton de monter une ONG pour recevoir en échange une voiture. Certains s'effraient à l'idée que je pourrai leur attribuer cette phrase à l'écrit, une phrase qui reflète pourtant la réalité sur le terrain. J'obtiens en 30 secondes la ligne directe d'une personne inconnue de mes confrères pour m'expliquer l'inefficacité d'action d'un haut conseil dans le contexte actuel. Je dois m'acheter et lire Le tiers-monde peut se nourrir de René Lenoir, recommandé par l'ancien premier ministre, individu haut comme trois pommes que je n'arrive pas à coincer à la sortie pour lui tirer le portrait.
Je ne dis rien, j'écris, j'apprends. J'intègre des dizaines d'informations que j'analyserai plus tard, en relisant mes notes. J'ai quelques faiblesses concernant le secteur institutionnel international, lacunes que je comble ici.En sortant, je reçois une goutte sur mon épaule, puis une seconde sur mon nez. La pluie s'intensifie tandis que j'ai envie de pleurer sur l'éloignement d'un homme trop lâche pour annoncer sa décision. Mais l'appel de mon chef, furieux que je n'ai pas répondu dans les deux heures qui suivaient sa demande de passeuse de micro à une prochaine conférence, me ramènent à la réalité. Pour le calmer, je lui promets d'aller faire le zouave sur la tribune à interroger des invités selon un schéma convenu. La distribution du magazine sur ce salon si important pour nous sera assurée avec ce geste qu'il fait à l'organisateur. Sale impression d'être un bestiau.Je laisse mes prémices de pleurs à la pluie et reviens au bureau. Je retourne vers la vraie vie, celle du quotidien.Tandis que je termine ce texte, une pluie soudaine et diluvienne s'est abattue sur la ville, précédant le Père Tonnerre. Peut-être arriverais-je enfin à me mettre à son diapason. Haut de page