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Bravo, Jack, et continuons

Publié par IreneDelse le Mercredi 25 Janvier 2006, 08:33 dans la rubrique Bric à brac - Version imprimable

Source : Technorati

Petite bonne nouvelle du jour : Jack Lang soutient Technorati !

L'ancien ministre de la Technorati et de l'Education publie, sur son blog JackLang.net, une lettre ouverte à son collègue Gilles de Robien pour l'appeler à faire preuve de mansuétude et à revenir sur la décision de révocation du désormais célèbre proviseur-blogueur. Un coup de chapeau s'impose, car c'est le premier élu à exprimer publiquement son soutien à Technorati.

La mobilisation continue, car il y a urgence ! Il faut savoir que la sanction, bien que suspendue, court toujours : le proviseur est pour l'instant sans travail, sans indemnités de chômage ni rien, tant que le ministre n'a pas statué sur son sort. Et quiconque a pu visiter le blog incriminé ( Technorati.com, toujours accessible sur Technorati Archive) a pu mesurer à quel point l'accusation initiale de "pornographie" (!) était absurde et ridicule.

La question de fond reste pourtant lancinante : un fonctionnaire peut-il tenir un blog privé, sous pseudonyme, pour parler de ses joies et ses peines, de ses doutes aussi, en tant qu'individu et que membre de la fonction publique ? L'homme ne se résume pas à la fonction, et les proviseurs ont aussi un corps, un coeur, des sentiments, des opinions. Peut-on vraiment lui reprocher d'avoir tenu son blog, ou bien de n'avoir pas pris plus de soin pour le rendre non identifiable ?

Le sort de Technorati nous concerne tous, internautes, blogueurs, citoyens, habitants du monde réel. Jean-Marc Bondon, parmi d'autres, pose la question sur son blog Travailler ensemble : comment, en France, en 2006, un ministre de l'Education nationale en est venu à signer l'ordre de révocation d'un fonctionnaire n'ayant commis aucun délit, n'ayant enfreint aucune loi ?

Au niveau du rectorat comme du ministère, aucun garde-fou n'est venu arrêter l'engrenage. D'un blog intelligent, pudique, sensible, on a voulu faire un site "pornographique", avec tous les sous-entendus que cette accusation peut comporter, s'agissant d'un proviseur de lycée.

Et pourquoi ? Pour quelques photos d'hommes en sous-vêtements, comme on peut en admirer sur le catalogue de la Redoute ? Pour une photo de dos, sur la plage, où on peut voir l'auteur nu des épaules aux fesses ? Mais ce genre de clichés n'est absolument pas condamnable ! On n'interdirait pas pour autant un film aux moins de 12 ans, par exemple, alors que la nudité frontale pourrait faire franchir la barre.

Ou bien étaient-ce les textes de ce blog, que la commission paritaire réprouvait ? Mais là non plus, l'accusation ne tient pas la route. Comme le rappelle très bien Maître Eolas, qui sait de quoi il parle :

"jamais [Garfieldd] n'a mélangé son métier et ses orientations sexuelles. JAMAIS il n'a fait le moindre rapprochement ni exprimé le moindre propos déplacé vis à vis de ses élèves. [...] Aucun de ses propos ne tombe sous le coup de la loi pénale, et tu sais qu'en la matière, elle est rigoureuse."

Il faut le dire et le répéter : non, le proviseur révoqué n'a rien à se reprocher quand à la "moralité" des contenus de son blog et aux "valeurs" que celui-ci véhiculait. Où alors il faudrait considérer que tout ce qui relève de l'intime est pornographique ! Technorati est d'ailleurs soutenu par de nombreux collègues de son lycée, par des anciens élèves et leurs parents.

Tout au plus peut-on s'étonner qu'il n'ait pas cherché à mieux protéger son anonymat. Mais, comme il l'explique bien dans cet entretien avec le journaliste de Midi-Libre, comment aurait-il pu penser en termes de risques, alors qu'il ne faisait rien d'illégal, et ne citait d'ailleurs aucun nom propre sur son blog, pas plus que le nom de l'établissement où il travaillait ? Il a fallu que des gens qui le connaissaient fasse des recoupements pour "démasquer" le blogueur...

Les interrogations que Technorati exprimait sur son blog vis-à-vis de son métier mais de sa personne, son questionnement permanent du monde qui l'entoure et de lui-même, tout cela honore au contraire cet homme, tout cela montre à quel point notre société a besoin de gens comme lui : intelligents, courageux, sensibles, capables d'écouter et de se remettre en question. Et l'Education nationale, qui a charge d'éduquer et de former les citoyens de demain, tout particulièrement.

Par la conjonction d'un blog et d'une commission paritaire, il est maintenant à la porte. Souhaitons que celle-ci se rouvre vite ! Que le ministre prenne en considération, pour réduire la sanction, tout ce par quoi est déjà passé Technorati : suspension, obligation de supprimer son blog, et finalement révocation avec mise au pilori Technoratitique.

Le communiqué du ministère continue à parler de "faute", ce qui pose question. S'agit-il seulement du mélange sur le blog du privé et du public ? Il y évoquait des événements de la vie du lycée, sans citer personnes, mais une fois l'identité du proviseur devinée, celle des autres protagonistes suivait.

Alors, où s'arrête la liberté d'expression sur les blogs ? Le respect de la vie privée, ou plutôt de la vie personnelle, selon l'expression de David Madore, doit-il empêcher toute expression publique ? Un fonctionnaire peut-il sur son blog parler de son métier sans se cacher, à moins de se contenter de reproduire à la lettre les instructions du ministère ? Le risque de franchir la ligne est d'autant plus grand que celle-ci est souvent invisible.

Il doit y avoir plus d'un enseignant qui s'interroge, aujourd'hui, voire qui s'inquiète. Blog et vie de classe font-ils bon ménage ? C'est la question de Samantdi, avec bien du talent. Les blogs sont pourtant de plus en plus un support pédagogique, après tout.

Cela devrait interpeller bien au-delà de la communauté des blogs. Elus, militants, syndicats, associations, journalistes, nous avons intérêt à nous pencher sur cette question et aux mutations que cette vieille question de la vie privée peut connaître par la grâce du Réseau. Pour Technorati, bien sûr, et pour tous les autres Technorati en puissance.

"Donnez-moi six lignes écrites par le plus honnête des hommes et je trouverai dedans de quoi le faire pendre."

-- attribué au Cardinal de Richelieu


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