L'idée
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Source : Le blog du bouchon
Pfffittt, il a encore pris la poudre d'escampette. Entre le rayon des jus de fruits et celui des vins exactement. Je ne l'ai même pas entendu partir. Je m'en suis rendue compte devant le bourgueil, avec cette envie de prendre trois bouteilles pour les ingurgiter dans la soirée. Envie irréaliste et irréalisable. Je n'en ai pris qu'une bouteille, et ai souri à la vue de l'ivrogne du quartier, ma bouteille à trois francs six sous dans le sac plastique estampillé "acheté dans un temple de la consommation", sa bouteille à un franc deux sous déjà entamée à 19h. Finalement, lui et moi avions la même envie ce soir. Finalement, nous allons terminer dans le même état ce soir, lui sûrement plus vite que moi. Mais le résultat sera identique. Il m'embête. Pas le clochard, l'autre. Avant, il était toujours présent. Depuis quelques années, il est plus versatile. Il y a des jours où il décide de faire la grève, d'autres où il prend la clé des champs comme aujourd'hui. Tout ça parce que ça fait trois jours que ma hiérarchie me prend en tenailles entre le plan A, le plan B et le plan C pour le magazine. En réaction au plan A, annoncé en juin, j'avais rageusement indiqué que je me mettrai aux 4/5e. Attitude totalement idiote, qui correspond assez bien à ce que je suis, malgré mes tentatives pour limiter les dégâts: agir d'abord, réfléchir ensuite. Un peu comme nos grands cousins d'Outre-Atlantique qui se lancent à corps perdu dans toute entreprise mondiale... Le plan B était nul, il a été abandonné juste après avoir été énoncé. Le plan C impliquait de tels changements que je passais sous la coupe d'une autre rédchef du groupe. Si nous avons la même éthique pour l'information diffusée, nos méthodes de travail au quotidien sont totalement différentes. Je suis ingérable au niveau des horaires, je prône les ménages intelligents, je gère le budget piges comme on détermine d'où vient le vient, au doigt mouillé, je ne fais pas de conférence de rédaction, je dis aux pigistes de choisir eux-mêmes la longueur de leurs papiers. Sur les salons je fais la bise aux commerciaux, en reportage je me singularise des collègues plus discrets et je pars danser avec les gars de l'exploitation qui me racontent leurs malheurs entre deux verres. J'ai même croqué un monsieur du secteur, ce que je me suis promise de ne plus refaire (lui est toujours présent, sporadiquement). En réponse au plan C, j'avais indiqué que je souhaitais être licenciée économiquement pour éviter un clash avec une redchef que j'estimais par ailleurs, et que Fraisette devait reprendre le flambeau. Mais Fraisette est un petit gars tranquille qui n'aime pas tant se mettre en avant. Le plan C a été retiré, vu aussi l'avis négatif du Gnagna man et du gentil Tof, chef de pub du mag généraliste qui aurait pu nous accueillir sous sa coupe. J'ai proposé un plan D qui, à vue de nez (ou au doigt mouillé) ne justifiait pas (trop) de dépenses supplémentaires mais en revanche impliquait la création d'une lettre économique pour le secteur. Un projet qui me tient à coeur depuis deux ans. Descendus (moi et mon contre-projet) en flammes par le grand Totof juste au dessus de moi avec notamment cette phrase : "mais vivons-nous toi et moi dans le même monde ? Te rends tu compte de la réalité de la presse professionnelle aujourd'hui, alors que les mecs ont de moins en moins le temps de lire et qu'ils sont submergés d'informations, bonnes et mauvaises ?" Non, c'est vrai, on ne doit pas vivre dans le même monde !De toute manière, être journaliste dans la presse pro technique, c'est totalement schizophrénique car on parle de métiers que l'on n'exercera jamais. On donne à des gars qui ont vingt ans dans les pattes des conseils pour exercer leur métier. Franchement, c'est totalement ridicule ! Il vaut mieux écrire pour la presse dite d'information (PNR, PQR, PHR) et spécialisée. Mais vu le nombre d'âneries que je lis dans ces canards, je ne suis plus sure du tout que journaliste soit un métier. J'ai au moins appris que ma boite n'investirait jamais dans ce projet, que je considèraise comme viable, ayant passé quatre ans et sept mois à discuter avec les bonhommes et bonnes femmes du secteur dont j'écoute les besoins. Une PME n'a pas les moyens de proposer des choses innovantes aujourd'hui en France . Si un jour j'ai un peu de temps , il faudrait que j'aille voir un "grand" groupe de presse pour voir si ça les intéresse. Ça tombe bien, je vais avoir plus du temps en 2007. En tout cas, on a évité les licenciements économiques secs, c'est déjà ça de gagné. Et demain, déjeuner avec le big boss, Dieu en personne. Dieu n'invite jamais à déjeuner sans raison majeure ; demain il m'expliquera que son plan A, car c'est du sien qu'il s'agit, est le meilleur pour la revue. J'ai déjà repéré les meilleurs restos, car je sais qu'il payera l'addition. Autant s'exploser les papilles à défaut de s'exploser tout court. C'est pour ça qu'il est parti. C'est momentané, je le connais. Il revient toujours à la maison (redite). Pour tromper l'ennui en son absence, je me suis concentrée sur la préparation d'un pâte brisée et d'une tarte au chèvre et aux brocolis. Faire la pâte d'une main, un premier verre de Bourgueil dans l'autre. Mélanger farine blanche, farine complète et maïzena (250 g en tout). Malaxer avec des petits morceaux de beurre aux cristaux de sel (125 g) et sentir les petits morceaux de beurre devenus rubans s'enrouler autour des doigts, puis former des petits grumeaux. Rajouter un peu de lait chaud, tout doucement, pour que la pâte soit homogène. Laisser reposer en présence d'un autre bourgueil et de Sueño Ideal chanté par Agnès Jaoui en boucle. Cuire les brocolis à la vapeur. Couper des rondelles de chèvre. Faire le liant : deux oeufs, du paprika doux et de la crème fraiche avec un peu de fleur de sel. Cuire la pâte en premier, puis rajouter tous les ingrédients et attendre queun - ça cuisedeux - ça refroidisse. La prochaine fois, je l'attacherai en laisse. Comme ça, il pourra s'éloigner, mais pas partir. D'ailleurs, si vous avez vu mon moral, un peu grisé par sa liberté, sautillant dans une ruelle ou en train de faire mille et une bêtises avec un grand rire à réveiller le voisinage, munissez-vous d'un filet à papillon et coincez-le. Puis renvoyez le moi illico presto. Je lui donnerai comme compagnie une petite coccinelle qui, à 21h31 vient de se perdre sur le grand mur blanc derrière l'ordinateur. Le temps s'est à ce moment suspendu à ses petites pattes, tant elle avait l'envie mais aussi l'illusion de rattraper son ombre qui la précédait. A 22h15, elles sont trois à courir derrière leur ombre, ainsi que six moucherons.Demain je démissionne et me lance dans l'élevage de coccinelles, qui me paraît être un secteur d'avenir. Haut de page