L'idée
Ce blog regroupe les articles publiées par des bloggeuses. Inscrivez-vous pour pouvoir ajouter des weblogs à la liste des weblogs tenus par des femmes qui ne sont pas des suivi de vie/journaux intimes.L'Organisation et sa majuscule
Source : Le blog du bouchon
Un je ne sais quoi de particulier flotte dans l'air de cette gare à laquelle je suis abonnée en ces fins d'après-midi dominical. Et pourtant je suis exténuée, peut-être par le rapatriement chez moi d'une simple bibliothèque Billy, sûrement par le babillage ininterrompu et inintéressant de la grand-mère paternelle du bouchon. Je récapitule ce que j'ai fait de mon week-end mais surtout ce que je n'ai pas réussi à faire (monter une autre bibliothèque pour le bouchon, faire deux caisses supplémentaires de livres, lire le dossier technique, ..). Mon esprit n'est pas là, il est déjà en train de structurer la soirée par tranches de trente minutes : 18h30-19h00, le bain et lavage de cheveux ; 19h-19h30, préparer le repas ; 19h30-20h, manger en écoutant Les petits bateaux ; 20h-20h30, lavage des dents et jeu pour le bouchon, vaisselle et rangement pour moi ; 20h30-21h, histoire et calin ; 21h-minuit, boulot.Avec sa majuscule interdisant la moindre déviance, l'Organisation a pris possession de moi.Dans la partie souterraine de la gare, une femme se tient dans un recoin, debout, immobile dans une allée latérale. L'une de ses chevilles est bandée. Ses cheveux filasses tombent sur ses épaules. Quand je la regarde, elle détourne le regard. Je la sens gênée. D'être dans la rue ? D'avoir perdu son domicile ?Quai 11, un homme en roller trace des cercles imaginaires sur le sol en attendant le train. Il vient, il va. Avec ses boucles au sol, il étourdit les quelques rares personnes dans l'attente du train. Arrive une voiturette tirant deux bennes grises de déchets. A-t-il vu le roller ? Ou bien était-ce sa fantaisie du moment qui l'a conduit à slalomer entre les poteaux sans plus de bruits que le faible ronronnement du moteur ? Pendant quelques instants, le temps ne fut que courbes et volutes.L'arrivée du train a libéré sur le quai des grappes humaines, toujours les mêmes. Couples, jeunes, vieux, parents, tous se hâtaient vers leur destination finale. Face à la porte de la voiture huit, je me sentais noyée dans ce flot. Je cherchais un bouchon, j'ai rencontré une paire d'yeux. Elle surmontait des éléments connus, une jupe en jean, un cartable bleu, et des éléments inconnus, de grandes bottes noires, un visage transformé. Les yeux m'ont souri tandis qu'une petite fille ayant quitté définitivement son allure de sauvageonne pour des atours plus féminins courait vers moi. Le bouchon était allée chez la coiffeuse de son père.Le retour par la gare souterraine nous fit rencontrer à nouveau la femme , toujours immobile mais quelques mètres plus loin. Je la regardis à nouveau. Un sourire mangea son visage quand elle vit le bouchon.Ce soir, l'Organisation et sa majuscule furent allégrement piétinées.Des Petits bateaux, nous avons retenu que si l'escargot est hermaphrodite, c'est parce qu'il se déplace lentement, ce qui ne facilite pas les rencontres reproductives. Il est alors préférable d'avoir les deux sexes pour s'adapter au genre de l'autre, lui aussi en peine de rencontres du beau sexe . Et si l'escargot se déplace lentement, c'est parce que ça lui prend beaucoup d'énergie de fabriquer du mucus, la longue traînée baveuse qu'il laisse derrière lui pour toute signature. Nous avons entendu Albert Jacquart expliquer très simplement pourquoi il y a des garçons et des filles (reproduction sexuée ou non), et compris pourquoi les Métèques, les esclaves et les femmes n'avaient pas droit de vote dans la "démocratie" athénienne. Flotter dans l'espace n'est plus un mystère, mais il a fallu que je vulgarise les mots de David Schapiro sur la raison des larmes.Il y a eu trois histoires et zéro lavage de cheveux (et de recherche de poux). Le bouchon a transformé ma coupe en voie d'afro en une dizaine de chouchous qui me donnent l'allure de ces petites filles antillaises. Et comme chaque soir, elle m'a demandé de lui donner une idée de rêve. Ce soir, c'était celle du papillon blanc qui faisait des volutes dans le ciel et voulait attraper le soleil.Il est 23h34, et je n'ai toujours pas écrit une ligne sur les merveilleux équipements qui seront présentés au rendez-vous annuel de la profession environnementale, ni relu le prochain dossier technique. Je sens l'Organisation et sa majuscule tapies derrière le siège, prêtes à bondir à la moindre inattention. Haut de page