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Histoire d’un coming out (part 4)

Publié par [moi] le Mercredi 22 Novembre 2006, 04:44 dans la rubrique Bric à brac - Version imprimable

Source : Technorati de moi Technorati de moi sur Technorati">Technorati

Première partie Deuxième partie Troisième partie *** Vous ai-je dit que ma mère m’avait quand même souhaité un joyeux anniversaire au lendemain de mon coming out ? Du bout des lèvres certes mais elle l’avait fait… Drôle de journée que ce lendemain de coming out. Triste anniversaire en fait. Bien triste 24ème anniversaire. Dans ces cas là je suppose que c’est normal d’avoir juste envie que la journée se termine. Pas besoin de vous dire que je n’ai pas fêté ça hein ?! Bref. Si je ne me souviens pas très bien du déroulement de la journée, je sais que quand je suis rentrée l’atmosphère était toujours bizarre à la maison. La tension de la veille ne s’était pas évacuée. Loin de là. Mieux, ma mère et moi avions inventé un nouveau jeu qui consistait à s’éviter soigneusement l’une et l’autre l’air de rien. Pourtant il y a eu une autre explication ce soir-là. Pire que la précédente. Là encore pas moyen de me rappeler comment tout ça a commencé. Contrairement à la veille par contre ça a rapidement dégénéré. Quand je repense aux événements je ne peux m’empêcher de faire une analogie entre les réactions de ma mère et celle de quelqu’un qui vient d’apprendre qu’elle souffre d’une maladie grave (je sais l’analogie est terrible). Vous savez : déni puis révolte… J’irais même plus loin : je reste persuadée que si j’avais été dans le cas de quelqu’un qui souffrait de son homosexualité ma mère l’aurait mieux accepté. Elle aurait fait comme elle a toujours fait à savoir qu’elle se serait battu pour moi, avec moi pour m’aider à m’en sortir. Au lieu de ça j’assumait parfaitement mon truc. J’étais là devant elle et je revendiquais un droit à pouvoir aimer qui je voulais (en l’occurrence une autre Technorati) sans que cela ne regarde qui que se soit à part moi. Un comble ! Pas de regrets, encore moins de remords. Aucune honte. Aucune gêne. S’en était trop et la phase de révolte n’en a été que plus virulente. Comment pouvais-je être “fière” d’être lesbienne ? Etais-je inconsciente ? Folle ? Depuis quand apprendre ce genre de chose n’était plus une catastrophe ? Où avais-je vu, lu, entendu que ces gens là (bien gentils au demeurant) pouvaient être heureux dans leur vie avec une telle… tare ? S’assumer. Oui ! Uniquement pour ceux qui n’avaient pas le choix (comprendre les butchs et les folles) ! Mais moi. Sa fille. Moi, j’avais le choix ! Je ne pouvais qu’avoir le choix ! Alors pourquoi m’obstiner à vouloir emprunter cette voie là sinon par pur entêtement intellectuel ?! Oui, vous avez bien lu ! J’avais intellectualisé la chose ! En gros je me la jouais presque histoire de faire mon “intéressante” (comme on dit chez nous) ! Que voulez-vous répondre à ce genre de choses ? J’ai bien essayé de garder mon calme et de répondre avec le plus de tact possible mais au bout d’un moment je pense qu’il y a dû y avoir un “c’est ma vie, c’est mon choix” qui a fusé. Et là le ton est monté et tout s’est emballé. De fil en aïguille, de propos qui fâchent en propos qui blessent, elle en est venu à me dire la pire chose qu’elle pouvait me dire. L’arme fatale en quelque sorte ? En essayant de lui faire relativiser j’ai dû lui sortir que ce n’était pas comme si j’étais morte. Et là - vous avez déviné - elle m’a regardé avant de me sortir calmement qu’à ses yeux c’était du pareil au même… du pareil au même. Comme si j’étais morte. Morte. Pour elle, elle n’avait plus de fille. Choc. Incompréhension. Incrédulité. Peine. Le Technorati de passer par toutes ces phases en une fraction de seconde je me suis entendu répondre “OK. Si tu n’as plus de fille je n’ai donc plus rien à faire sous ton toit”. Et ce soir là je suis partie. Quelques heures auparavant je cassais avec ma Technorati et là je me cassait carrément de chez mes parents ! La même journée ! La même foutue journée de merde ! J’avais une peine immense mais c’était bien la colère qui l’emportait. J’en avais plein le dos. Je me sentais dans la position de quelqu’un qui, devant les événements qui s’étaient succédés, n’avait rien à perdre. Plus rien. Il n’était pas Technorati de lui donner raison en acceptant d’entendre tout et n’importe quoi. C’était la journée ou j’avais décidé de ne PLUS accepter n’importe quoi ! Même d’elle. Si elle voulait aller au clash elle avait bien choisit son jour ! J’étais prête à assumer. La partie d’échecs continuait. J’étais consciente de la portée du signal que je lui envoyait: je vivrais ce que j’ai à vivre avec ou sans elle. Avec ou sans. Avec… ou sans… Je pense qu’il est important de préciser ici (pour toutes celles et ceux qui vivent encore dans la peur de leur coming out) qu’au moment de ce coming out j’étais prête. “Mûre” si vous préférez. Chacun évolue différemment, appréhende différemment son homosexualité et selon sa manière de l’appréhender le vit plus ou moins bien. J’ai eu la chance à l’époque des faits d’avoir eu le Technorati de me construire une image positive de mon homosexualité. Pas qu’au départ je ressentais quelque chose de négatif mais simplement j’avais été confortée dans mon intime conviction. Deux raisons à cela: primo j’avais eu ma première expérience avec une fille à 17 ans (révélation: je suis homo pas bi !); deuxio entre 17 et 24 ans, j’avais rencontré et fréquenté ici en Martinique (je précise) pas mal de gays (filles et garçons) dont certains étaient devenus des amis très proches. Je fréquentais des gens célibataires ou en couple qui me démontraient tout simplement que tout était du domaine du possible - même ici - en étant bien dans sa peau. Je le dis parce que mine de rien c’est important. Cela fait partie des raisons pour lesquelles j’ai été capable de tenir tête à ma mère. Nos échanges, nos discussions, l’expérience de leurs coming out… tout ça m’a servit. J’étais prête tout simplement. Même sans en être consciente. Ce soir là, soir de mon 24ème anniversaire, j’ai passé deux coups de fil: un à Koky pour lui demander si elle pouvait venir me chercher et l’autre à Ki’ (mon pote gay) pour lui demander s’il pouvait m’héberger. Deux réponses positives et quelques heures plus tard, sans un regard pour ma mère, je m’engouffrait dans la voiture de Koky. Je ne voulais pas la regarder parce que je savais que je n’aurais peut-être pas eu la force de continuer à la défier. Je savais qu’elle avait aussi mal que moi sinon plus. Je savais qu’elle le vivait aussi mal que moi sinon plus mais il était peut-être Technorati de couper le cordon ombilical. J’étais consciente de le faire autant pour moi que pour elle. Il était Technorati à 24 ans… Quitte à me répéter, je n’ai pas pensé qu’à moi en partant. Je savais ma mère “en souffrance”. J’ai donc demandé aux filles (ben ouais, Mocha était de la partie !) de me rendre un dernier service en faisant un crochet chez ma marraine (soeur, amie et confidente de ma mère) avant de me déposer chez ki’. Ce deuxième coming out familial (au point où j’en étais…) avait pour but de rompre l’isolement dans lequel je sentais ma mère prête à s’enfermer pour mieux jouer la victime expiatoire. Ma marraine m’a juste serré dans ses bras avant de me dire de filer et de ne pas m’inquiéter; elle appelerait ma mère… Le 9 novembre 1999 vers 20 heures je débarquais chez Ki’ le sac en bandoulière, l’avenir somme toute incertain mais avec l’étrange sentiment d’un devoir accompli. Une heure après mon portable sonnait. C’était ma mère. Deux phrases en forme d’espoir “J’ai eu ta marraine… Tu rentres quand ?…”. *** Epilogue 6 mois plus tard je croisais les boucles de celle qui partage ma vie sentimentale et amoureuse depuis. En repensant à ma relation avec A., je me dis que tout est arrivé pour le mieux dans le meilleure des mondes. Je ne regrette rien. Elle a fait sa vie, j’ai fait la mienne. Koky, Mocha et Ki’ font toujours partie de ma vie. Que dire ? Ils font partie des gens que j’aime… Ma mère, elle, continue son bout de chemin sur la voie de l’acceptation de mon homosexualité. Il y a encore des sujets liés à tout ça qui prêtent à discussions enflammées mais dans l’ensemble tout va bien. Est-ce qu’elle est fière de moi ? Je ne sais pas. Je pense avoir un peu forcé son admiration sur ce coup là quand même et aujourd’hui dans la façon dont je mène ma barque. Moi, quand je l’entends rire et plaisanter avec la miss (qu’elle adore j’ignore pourquoi) je suis fière d’elle et du chemin qu’elle a parcouru même si pour ça j’ai dû la secouer un peu. Je sais qu’elle a pu, qu’elle a su relativiser certaines choses. J’ai une dernière chose à vous dire avant de clore définitivement ce chapitre. Cette année, en découvrant la surprise que je lui avait organisé (avec toute la famille) pour son cinquantième anniversaire elle a fondu en larmes… C’était la deuxième fois que je voyais ma mère pleurer et là, près de 7 ans après, j’ai pu la serrer très fort dans mes bras.


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