L'idée
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Source : Kozeries en dilettante
On s'est connus en mai, on est devenus copains comme cochons tout de suite. On a passé notre première nuit ensemble un mois plus tard, presque par accident[1] Nous nous sommes séparés au bout de vingt-quatre ans.
« Toulon », comme l'appelaient les copains Normands en raison de l'accent chantant trahissant son attachement au Var, était tout sauf sentimental, habillé comme l'as de pique, menteur comme un arracheur de dents mais uniquement pour la galéjade, drôle et toujours avec plein de projets sur le feu. (Bon ok, après j'ai compris qu'il aimait bien mieux en faire que les réaliser, mais j'ai mis un moment.)
Au début, nous n'imaginions ni l'un ni l'autre que notre relation durerait bien longtemps. Nos phrases ressemblaient toujours à « si on est ensemble le mois prochain, on fera ci et ça » et nos déclarations les plus brûlantes furent « t'es chouette » ou « t'es super ». Ça m'allait drôlement bien parce que l'amour ça me fichait la trouille. C'était un truc compliqué et douloureux, ça vous faisait sacrifier votre vie pour l'heure quotidienne que vous accordait l'autre, ça vous dissolvait, ça vous faisait perdre le contrôle. (Et franchement, quoi de pire que perdre le contrôle, je vous le demande ? Pas pour rien que je n'avais jamais non plus testé aucune des drogues qui circulaient à tout va autour de moi ni n'avais jamais picolé.) Et j'avais su tourner les talons vite fait lorsque la menace s'était présentée. Ouf !
Avoir un bon copain Voilà c'qui y a d'meilleur au monde Oui, car, un bon copain C'est plus fidèle qu'une blonde Unis main dans la main A chaque seconde On rit de ses chagrins Quand on possède un bon copain
(Oui, bon, le quatrième vers est à adapter...)
Notre recherche commune d'un compère plus que d'une moitié présenta pour moi, et sans doute pour lui aussi, l'avantage énorme d'écarter l'angoisse de ne pas être à la hauteur ni de me noyer. Il n'occupa – ni ne chercha à occuper – aucun de mes ministères, signe distinctif qu'il ne partage qu'avec mon amie Claire parmi mes proches. C'est (c'était, hin hin, tu es grande maintenant) plus fort que moi, je guettais le jugement dans le regard des autres, aux aguets.
Cette association d'amitié, d'entraide et de solidarité a bien fonctionné longtemps, ça correspondait parfaitement à ce dont j'avais besoin – ou en tout cas ce que je recherchais. Et si l'air des dernières années se fit irrespirable, parce que nos chemins n'allaient vraiment, mais alors vraiment plus dans la même direction, si sa conception de la parentalité me donne envie de lui planter un marteau-piqueur dans le crâne, je n'oublie pas qu'il était là, à Saint-Lô ou ailleurs, pour se souvenir au bon moment qu'il avait un truc super important à faire. Notes [1] Au sens littéral du terme puisque j'avais eu un petit accident de mobylette sans gravité et que par chance il passait par là.