L'idée
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Source : Monde à l'envers
Je laisse aujourd'hui la parole à Frans. De retour d'un voyage en Inde, il nous fait part de ses réflexions sur la fonction ambiguë de la religion, dont il n'est pas toujours aisé de savoir quels intérêts elle sert.
Allez, je me lance ; je ne sais pas si mon sujet est pertinent, je laisse à la médiatrice de ce blog le soin d’en juger.
J’ai pu (et voulu) voyager beaucoup dans ma vie, mais je n’étais jamais allé en Inde ; je me demandais d’ailleurs pourquoi plusieurs de mes amis y allaient régulièrement et semblaient fascinés par ce pays.
Je viens de passer une semaine à Bombay (qu’on appelle maintenant Mumbai) pour suivre une conférence scientifique. J’en suis revenu, mon directeur de laboratoire me pardonnera, avec plus d’images et de questions issues de mes longues pérégrinations sur les trottoirs de la ville que de commentaires sur la conférence elle-même.
A mon âge quasi-canonique (j’ai dépassé les 50 ans), j’ai des petites idées sur la religion, la politique, l’esprit humain et surtout sur mon absence de certitudes.
Osons le cliché : moi aussi je suis revenu fasciné par ce pays, et depuis mon retour, je cherche à comprendre pourquoi ; et je crois savoir ce qui m’a surpris.
Bombay est bien comme on l’imagine, 18 millions d’habitants, 6 millions sur le trottoir ou dans les bidonvilles ; même si on le voulait, on ne peut pas ne pas voir la misère qui est partout, au centre-ville comme dans les banlieues. Arrivés dans la nuit, j’ai passé l’intégralité du dimanche à me promener avec une collègue sur ces fameux trottoirs de Bombay, de quartiers « chics » en bidonvilles, puis de bidonvilles en bidonvilles. Douze heures de marche à 34 degrés, à prendre des centaines de photos parce que les gens de la rue nous demandaient de les photographier, enfants comme adultes. Pas une once d’agressivité, pas un endroit où nous avons ressentis de sentiment d’insécurité, pas de haine dans les regards de ces gens qui n’ont rien et qui voient des nantis comme nous se promener dans leur monde.
Le soir, devant un thali végétarien à 50 roupies (1 euro), le luxe ( !), dans un restaurant, nous avons cherché à comprendre pourquoi ces gens n’avaient pas de malveillance à notre égard. Nous avions auparavant conclu qu’on ne pouvait pas nous taxer de voyeurisme dans la mesure où ce sont eux qui nous demandaient des photos et semblaient heureux de se voir sur l’appareil (merci la photographie numérique).
Alors nous n’avons pu que conclure que le système des castes jouait son rôle à merveille :
les gens des basses castes sont nés pour être pauvres, les intouchables sont mendiants, c’est leur destinée, et il n’y a pas à se révolter, ils le »méritent », et c’est comme ça. Pourquoi en vouloir aux autres, nantis de tout poil, indiens ou européens ?
Et toute la question est là : la religion les aide à vivre, elle leur permet d’admettre leur condition et d’espérer pour une autre vie, elle les transcende et les libère du matériel.
Bien.
Mais quand l’Inde décollera économiquement, que le niveau de vie montera et que l’éducation permettra à une classe moyenne d’émerger, ce même système permettra aux riches de devenir plus riches, aux castes privilégiées de devenir la bourgeoisie et justifiera que les intouchables restent au ban de la société, leur destin à eux n’aura pas changé et n’aura aucune raison de changer…
Et même maintenant, avec mon regard d’humaniste républicain, que dois-je penser de cette religion ou des autres : aident-elles à vivre ou justifient-elles les inégalités dans la société ?
Faudrait que j’y retourne, mais je ne suis pas sûr de me faire une idée plus précise.
A moins peut-être d’aller (re)visiter le Vatican…
Frans