L'idée
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Source : Le blog du bouchon
J'aurais du écrire sur Kent ce soir. Mais j'ai ri en regardant la conférence de presse video clandestine sur la défense du Kluglopf sans raisins sur le site de LChe. C'est donc du rire qu'il s'agira ici.Le rire ne permet-il pas de libérer le stress accumulé au cours de la journée ? Je me souviens de crises de fou rire au travail, quand la tension se faisait trop forte. Même dans un mensuel, ça arrive. Trois journalistes alors se pliaient en deux (refaites les calculs, ça marche). Le moindre mot technique nous faisait hurler de rire. Une demi-heure plus tard, le maquillage en déconfiture* et les abdominaux tétanisés, la vie pouvait reprendre son cours dans la rédaction.Ou plus récemment d'une crise de fou rire monumentale avec mon bouchon pour une vague histoire de voleur.Ce soir, il s'est passé la même chose, lors de la répétition du groupe sans nom avec lequel je tente de collaborer. Le guitariste, qui monte sa société, a bossé cette semaine comme un malade. C'est un bon candidat pour le fou rire; il le pratique souvent pour déstresser. Planquée derrière sa grosse caisse, le batteur est très bon public. Toujours souriant et l'oeil taquin. Et moi, qui ai fait l'aller-retour sur Lille entre 17h30 et 20h, puis imité l'escargot contre la vitre du TGV. Crevée et stressée aussi par ma semaine à pisser de la copie. (d'où le terme officiel de pisse-copie pour les rédacteurs).Tout est de la faute du bassiste. Car il a eu une soirée bien arrosée la veille. Il a une brusque amnésie des morceaux qu'il a pourtant travaillés pendant sept jours. Son niveau de fatigue, et peut-être aussi d'alcool encore présent dans le sang, est tel qu'il n'arrive même plus à lire ses partitions (cet article sera-t-il trackbacké par les alcooliques anonymes?).Je ne sais même plus comment c'est parti. C'est d'ailleurs souvent le cas. On se souvient plus de la sensation causée par le rire que du catalyseur. Le fait est que nous avons mis une heure à nous en remettre. Parce que ça a déstabilisé tout le monde. Le batteur tapait à côté du rythme. Moi je chantais faux, ou terminait une phrase musicale sur un gloussement suivi d'un glapissement pour tenter de contenir ce rire niché dans ma gorge. Le guitariste en rajoutait une couche à chaque fois, avec des solos à la AC/DC sur du blues.Et le bassiste... Ah le bassiste! Il ramait le pauvre. Il s'enlisait dans ses cordes et dans ses notes.J'ai fini par tourner le dos au guitariste pour ne plus le voir faire l'andouille. Et les autres se sont appliqués malgré les nombreux couacs d'un côté ou de l'autre du studio. Du coup, le chant s'est rétabli. Le batteur a fini par reprendre ses baguettes devenues folles. Et le bassiste a fini par ne plus confondre le sol avec le fa.Alors malgré la fatigue ce soir, je ris encore de ce moment. A tel point que j'ai du mal à écrire correctement.* ce mot, déconfiture, m'étonne toujours. Parce que je ne comprends pas le rapport avec la confiture. D'après le TILF, il vient du participe passé de déconfire, avec le suffixe ure. Déconfire signifiant vaincre totalement, mettre les ennemis en déroute dans une bataille. Le sens premier de la déconfiture, d'avoir été vaincus dans une bataille. Dont le sens a évolué pour donner l'expression être déconfit.Souvenirs, souvenirs...L'été dernier, l'autre rédactrice du magazine, celle avec laquelle j'avais déjà des crises de fou rire, m'accompagne en train pour un déjeuner dans l'Eure. Dans le train, qui vois-je ? Un ami d'enfance du père du bouchon. Un type que je détestais pour sa suffisance culturelle, et qui me détestait pour mon inculture et ma franchise. Bien qu'il fasse mine de m'ignorer, je l'ai coincé, sachant qu'il aurait été agréable au père du bouchon d'avoir de ses nouvelles.A ce moment, passe un homme. Avec une valise presque aussi grande que lui. Et bavant. Il s'arrête à notre niveau, essoufflé, épuisé. Et bavant. Mais le train est bondé. Interloqué, le suffisant le toise. Mais l'homme n'en a cure, il est perdu dans ses songes éthyliques, et dégage une très forte odeur d'alcool (à 10h45 du matin). Puis il pose ses fesses sur l'accoudoir de ma compagne de voyage. Et commence à s'étaler sur elle (elle:1m60 les bras levés). Le suffisant n'en revient pas. Cette attitude lui a coupé le sifflet, qu'il avait déjà fort peu loquace à ma vue. Fort obligeamment, le voisin de ma compagne de voyage tente de repousser l'intrus qui est déjà en position de diagonale. Et bavant sur elle.L'homme se remet brusquement debout, vacille, puis repart haletant, poussant son immense valise. Le suffisant en profite pour s'esquiver et retourner auprès de sa douce. Je m'asseois. Le voyage commence. L'histoire pourrait s'arrêter là, mais ce n'est pas ça qui m'avait fait rire, bien qu'au moment où l'homme commençait à prendre ses aises dans notre carré (qui appartient d'ailleurs à tout le monde), je contenais difficilement un rire, incapable d'aider mon amie.Un quart d'heure plus tard, je revois passer dans l'autre sens, et donc de dos, la valise portée par l'homme. Mais à toute vitesse. Comme si les vapeurs d'alcool avaient été extraites par la force de son corps, et qu'il se retrouvait brusquement animé d'une énergie folle. Je ne comprends pas. Comment ceci a-t-il pu se produire. Ma compagne de voyage me prévient: "ne te retourne pas". J'obtempère en voyant son sourire. Car l'homme repasse, suivant sa valise portée par un providentiel voyageur qui, sans doute énervé par la présence d'un voisin envahissant pour les épaules aux alentours, lui a proposé de lui trouver une place trois voitures plus loin. Toujours vacillant. Et bavant. Les deux hommes avaient la même morphologie, d'où ma méprise.Est-ce ma méprise ou la tête indignée du suffisant qui ont déclenché mon fou rire, puis notre fou rire ? Mais le fait est que ce dernier a duré trois jours. Ma compagne de voyage m'a proposé de l'écrire tel que l'a fait Georges Perrec dans je ne sais pas quel ouvrage: en plusieurs nouvelles, chacune correspondant à la vision du même événement par une personne différente. Ma paresse, la peur de la page blanche et celle de l'échec ont limité cette intention.Evidemment quand je l'écris, ça n'est pas aussi drôle qu'à ce moment. Mais moi j'en ris encore. N'est-ce pas l'essentiel ?Si un souvenir de fou rire vous revient, feel free to post a comment.PS: Les clubs du rire. Il n'y a que notre société de surconsommation pour réinventer ce qui existe déjà au naturel, puis l'ériger en école.