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Un dimanche, une gare

Publié par le Lundi 13 Mars 2006, 02:04 dans la rubrique Bric à brac - Version imprimable

Source : Technorati

© La grande Loulou à Marseille. 2005A la gare dimanche, il faisait froid. Il y avait surpopulation autour des chauffages très design. C'est à qui réchaufferait le plus de centimètres carrés de peau.17h00. Un train est annoncé quai 13. La moitié des abonnés aux braseros se rue sur le composteur jaune en tête de quai, ignorant superbement son jumeau, distant de deux mètres. Côté braseros, la place libérée en un quart de seconde se remplit tout aussi rapidement.Les premiers compostés sont les premiers à tenter l’ascension du Mont-Blanc TGV. Ils courent, leur ridicule petite valise tressautant sur ses roulettes derrière eux. Y a-t-il un prix qui récompensera les dix premiers ? Eux seuls en sont persuadés. Derrière ces marathoniens s’engouffrent les centaines d’autres voyageurs. Seul un sur trente a eu l'idée d'aller composter son billet ailleurs.17h11, quai 14. Le train de Lille arrive sur le quai du composteur délaissé par la majorité. Spectacle en sens inverse. Les plus pressés courent pour attraper un métro. Courir plutôt que de prendre un train une heure plus tôt, ça entretient la forme. Les amoureux se retrouvent et s’enlacent fougueusement. La grande blonde retrouve ainsi son grand brun, tandis qu’un voyageur qui devait la trouver fort à son goût pendant l’heure de voyage les regarde tristement. Il y a les familles, les jeunes couples, ceux dont on doute qu’ils ont pris le TGV à l’absence de bagages. Les papis et mamies, qui prennent plus de temps pour arriver en bout de quai, arthrose oblige. Il y en a du monde ! Où est mon bouchon ? Lorsqu’elle est avec moi, elle adore se cacher dans mon dos. Et j’avance à la rencontre de son père, marchant en canard, tandis qu’une paire de petites jambes tente de se caler sur les miennes. Aujourd’hui, elle trottine doucement à ses côtés, mal réveillée.17h20. Le sifflement indique le départ imminent du train quai 13. Quelques retardataires, il y en a toujours, piquent le sprint final pour tenter de s’engouffrer avant que la porte ne se referme. Qui a encore le souvenir de ces trains où l’on pouvait monter en marche, avec malheureusement quelques accidents?Le bouchon, son père et moi allons nous réchauffer au café, le temps d’attente du prochain train pour Lille. Le bouchon est frigorifiée. Son père veut me faire un chèque pour me rembourser la moitié du prochain voyage. Mais m’a-t-il déjà payé la moitié de celui d’aujourd’hui dimanche ? Je n’en sais rien, je n’ai jamais su tenir des comptes. Et puis je m’en moque, je lui fais confiance.Notre voisin s’amuse. Il a très vite capté la situation. Il ne doit pas en voir beaucoup, des parents séparés qui font chacun confiance à l’autre pour les comptes des voyages et de la pension alimentaire. A un moment, il nous demande s’il nous est possible de surveiller ses bagages, il veut aller satisfaire un besoin bien humain. Je dis oui tout de suite, il a une bouille sympathique.Le regard du père du bouchon est songeur en suivant l’homme, qui monte pour accéder à des sanitaires payants, ce qu’il ne découvre qu’en haut. Il a l’air désespéré. Le père du bouchon sourit, puis rappelle qu’il a eu la même mésaventure deux semaines auparavant. Il lui a fallu choisir entre toilettes payantes et propres au 1er étage, et toilettes sales et gratuites en sous-sol. Il me dit qu’il s’est fait un délire paranoïaque dans le train : le type en face du bouchon avait l’air bizarre, et il portait quelque chose autour de la poitrine. Le père du bouchon a imaginé que l’homme portait une ceinture d’explosifs autour de la taille. Rien que ça ! Il a dû faire quatre voitures pour trouver deux nouvelles places pour lui et le bouchon. D’où sa crainte vis-à-vis de notre voisin, crainte évanouie quand le voisin est rentré dans les toilettes.Son train est déjà là. Nous l’accompagnons. Bisous, bisous, les mains s’agitent. Je sais qu’il est moins triste qu’au début de ces allers-retours. Le bouchon elle aussi est moins triste. Elle n’éclate plus en sanglots dans la gare, en me demandant pourquoi elle ne vit pas en garde partagée entre ses deux parents. C’est de ta faute, suggérait-elle par le ton, accusateur.Juste avant la gare souterraine, nous nous arrêtons au marchand de saucissons (le saucissonier ?) comme promis le vendredi soir. Et nous repartons tranquillement à la maison. Dans deux semaines, on recommence.


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