L'idée
Ce blog regroupe les articles publiées par des bloggeuses.
Inscrivez-vous pour pouvoir ajouter des weblogs à la liste des weblogs tenus par des femmes qui ne sont pas des suivi de vie/journaux intimes.
Source : Le blog du bouchon 
Vous souvenez-vous d'elle et ses roses rouges ?Elle a fini par se lever, quitter ce quai où elle n'en finissait plus de rejouer sa vie, errer au gré des vents pour s'abandonner dans la prairie aux lucioles. Là, un brouillard infusait doucement sa souffrance dans la brume froide. Elle y a rencontré le maître des lieux, le sage Anobon. Il lui a tendu une petite tasse de café et a ouvert ses grandes oreilles pour capter les émotions qu'elle lançait, avec douleur et infortune. Il a trouvé des mots pour apaiser cette souffrance, lui a montré les lucioles, la lune. Mais un matin, il a trouvé cette lettre, glissée sous la porte. Elle refusait l'oubli dans lequel l'absence de mots l'avait plongée, tout comme l'immensité de la prairie aux lucioles. Les petites jambes d'Anobon ne lui permirent pas d'arriver à temps ; Lucie se mourait. Et lentement, une petite Luciole prit son envol. Ce fut comme si l’âme de Lucie gagnait le ciel.Il faut cliquer sur les liens, les uns derrière les autres, pour suivre l'histoire. Voici la fin de ce récit à quatre mains et vingt doigts.Ballottée par le vent puis secouée par les embruns, la luciole vola longtemps, très longtemps. Elle n'avait qu'un but : cette fenêtre blanche baignée dans la lumière du soleil de Floride. Elle sentait que sa présence était nécessaire, même si elle ne discernait pas pourquoi. La luciole n'était plus que vibrations, celles de ses ailes s'agitant à toute vitesse. Un cri silencieux l'attirait.Epuisée, elle arriva enfin. Par la fenêtre, elle distinguait cette femme , Sonja, et son ventre déjà rond. La douleur crispait son visage, tordait ses traits, beaux malgré un embonpoint certain. Amenée d'urgence à l'hôpital en cette chaude soirée d'automne, elle luttait contre cet autre corps à l'intérieur d'elle-même, dont la sortie sur le grand monde était imminente. Sonja avait tellement désiré cet enfant qu'elle avait fini par accepter ce qu'elle refusait jusqu'ici, par amour pour son dieu, par obéissance aveugle à ses gourous : la germination de ce petit être dans une éprouvette. La graine s'était divisée en deux, puis en quatre, jusqu'à ce d'autres gourous, tout de blanc vêtus, déposent cet être en gestation à l'intérieur d'elle même. Elle avait placé tous ses espoirs dans ce ventre qui abritait désormais une nouvelle vie. Mais en ce 24 octobre 2006, elle sentait que la vie n'aurait plus le même sens. Au moment où l'un des gourous s'acharnait avec des gestes saccadés à refermer la fenêtre, la luciole voleta sous la vitre. Dans un dernier battement d'ailes, elle se posa sur la petite touffe de cheveux qui surgissait entre les jambes de Sonja.
© AFP
La luciole n'était déjà plus visible. Tout comme Lucie quelques jours auparavant, elle devenait diaphane et s'affaiblissait rapidement. Ses derniers battements d'ailes firent s'arrondir la minuscule bouche. Les poumons d'Amillia se déplièrent dans un bruit sec et s'emplirent de ce précieux gaz, subtil mélange d'oxygène, d'hydrogène et d'azote. Elle expulsa enfin son premier jet d'air. Le cri était là, le son ne l'était pas. La note fatale et silencieuse brisa la luciole cristalline en des milliers de pétales roses. "Miracle", s'écrièrent les gourous tandis que les mains de Sonja prenaient la pose de la dévotion. La luciole avait atteint son but ; sa vie n'avait plus de raison d'être. En agissant ainsi, elle n'avait pas obéi au dieu que remerciait Sonja, pas plus qu'aux gourous qui combattaient la mort et tentaient de percer les secrets de l'immortalité. La luciole n'avait obéi qu'à son instinct, qui lui commandait d'accomplir les rêves de ces étranges êtres qui peuplaient son univers, ne pas briser leurs désillusions. Sa tâche s'était bornée à satisfaire le désir de Lucie qui, depuis sa plus tendre enfance , avait décidé de tisser une toile pour protéger ses fantasmes du reste du monde . Désormais, Amillia serait célèbre. Le rêve de Lucie se concrétisait enfin.
Haut de page
Article précédent - Commenter - Article suivant -
