L'idée
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Source : Weblog de Sophie Ménart 
J'avais prévenu dans un précédent billet que de temps en temps , je vous parlerai de mon ami Caroline avec qui j'échange une longue correspondance depuis des années. Je ne me peux m'empêcher de commencer par son histoire avec sa mère.
Certains enfants perdus s'inventent un tonton d'Amérique pour imaginer un monde meilleur où se sentir moins seul. Caroline n'en a pas eu besoin, elle avait sa mère d'Amérique, en chair et en os. Partie à l'autre bout du monde pour fuir une vie qui ne lui plaisait pas, elle avait fini par s'installer avec son nouveau compagnon à l'ouest de la Floride, dans un monde bien éloigné du sien.
Caroline avait très peu de contact avec sa mère. Enfant, elle ne la voyait qu'une fois par an, l'occasion pour elle de voyager, de s'évader avec de nouveaux petits copains qu'elle ne manquait pas de se faire dans chaque pays visité. Lors de ces vacances , elles n'ont jamais tissé de liens entre elles. D'ailleurs elles n'ont jamais discuté ensemble des choses de la vie.
Alors Caroline s'est inventée sa mère, elle l'a imaginée au travers de ses lettres. 61 lettres et une vingtaine de cartes postales qu'elle a gardé. Récemment elle les a relues. Mais avec ses yeux d'adulte, elle n'a rien retrouvé de ses rêves... Et ça ne lui a pas pris plus d'une heure m'a-t-elle confié.
Les lettres étaient très courtes, vides de tendresse. Elles commençaient et finissaient toutes avec les mêmes mots et parlaient des mêmes chose : le temps qu'il faisait là-bas en Floride, la vie des chiens, chats, perroquets, la lettre bien reçu, les réponses de Caroline qui n'arrivent pas, la fatigue, le travail, les voyages en prévision, les brefs commentaires sur les notes, les messages au père pour les vacances ... Caroline s'est souvenu d'un coup, que parfois elle ne répondait pas, car elle ne savait pas quoi raconter. Alors elle vivait dans sa tête, et espérait, espérait qu'un jour ses rêves de confidence, de câlins, de tendresse, d'amour deviendraient réalité.
Caroline retomba sur terre à la naissance de ses enfants. Là, elle découvrit vraiment qui était sa mère. Elle se rendit compte à quel point celle-ci n'aimait pas les enfants, elle sentit sa distance, son indifférence. Elle réalisa combien elle-même n'avait pas reçu d'affection et combien elle était désarmée face à sa propre vie de femme et de maman. Personne ne l'avait préparée à la vie d'adulte et aux coups durs et à la solitude qui l'attendaient.
La vie a privilégié la mère de Caroline la rendant arrogante et égocentrique. Malgré ses voyages autour du monde , celle-ci vit dans une bulle et ne ressent aucune compassion. Elle ne se rend pas compte du précipice qui la sépare de sa fille, qui au contraire ne connait que la précarité. Avec le temps Caroline a compris combien elles sont différentes, combien rien ne les rapproche. Aujourd'hui, elle est presque heureuse que ses rêves soient brisés et soulagée de la distance qui les sépare. Elle ne ressent aucun manque. D'ailleurs Caroline aurait détesté ressembler à sa mère, elle ne me l'a jamais dit mais je le sais... Je la connais si bien Caroline.
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