L'idée
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Source : Le blog du bouchon
Une histoire à ne pas raconter aux enfants. Une sale histoire comme il y en a tant, où il y a des méchants et des gentils, des bavards et des muets, des tatillons et des je-m'en-foutistes : la nature humaine dans sa splendeur.Il était une fois un lutin nommé monsieur Murmure. L’essentiel du travail de Monsieur Murmure consistait à transformer les mots qu’il entendait ici et là. Il les étirait, les rétrécissait, les salissait, les déformait. Monsieur Murmure se moquait bien que son chef reçoive régulièrement des coups de téléphone de mécontents, car monsieur Murmure savait qu’il faisait le métier le plus important du monde , plus important même que le président du plus grand pays au monde : monsieur Murmure était colporteur d’idées et de faits. En plus, monsieur Murmure passait ses journées à lancer ses petits mots acérés comme des flèches contre son chef, qui finissait par tomber de son siège de plus en plus fréquemment. Et de sa petite écriture fine et serrée, monsieur Murmure remplissait aussi des petites fiches sur tout le monde . On ne sait jamais ! Ça pourrait toujours lui servir.Monsieur Murmure travaillait à la rédaction de Plumes patazine où il rencontra mademoiselle Revêche. Aussitôt, il sut qu’il avait trouvé l’âme sœur, la princesse de ses rêves, ses oreilles vibrant à ses propos enflammés et capables de l’écouter sans rien dire, contrairement à tous ceux à qui il susurrait ses mots dans le creux de l’oreille. Car, fait étrange, les oreilles pointues des lutins où il aimait glisser ses mots déformés se fermaient dès qu’il s’en approchait. Monsieur Murmure ne comprenait pas pourquoi on l’évitait. Mais au fond, il s’en moquait bien, seuls ses petits mots comptaient. Monsieur Murmure est rancunier Plumes magazine n’allait pas fort et fut donc vendu à un petit groupe voisin qui avait d’autres patazines comme Oie patazine, Duvets patazine et Foie gras patazine. Le grand chef du groupe proposa à certains de ses patazines de travailler avec monsieur Murmure. Mais personne, non vraiment personne, ne voulut travailler avec monsieur Murmure qui était, il est vrai, très connu pour ses petits mots. Alors le grand chef congédia monsieur Murmure en lui donnant une grosse bourse pleine de pépites. Le grand chef garda cependant madame Murmure, entre temps monsieur Murmure lui avait offert une bague, au sein de Plumes patazine. Madame Murmure espéra bien un moment devenir la chef de Plumes patazine, mais le grand chef préféra mettre un chef plus expérimenté qui en un rien de temps et grâce à son travail de qualité, augmenta le nombre de lecteurs. Madame Murmure ne dit rien mais n’en pensa pas moins, même si elle avait pris du galon à la demande de son chef. Tandis que madame Murmure faisait son travail, entendre des mots et les retranscrire sans les déformer dans Plumes patazine, et enregistrait les dernières nouvelles des différents patazines, ses oreilles en mode radar, monsieur Murmure avait retrouvé du travail dans une autre rédaction. En ce lieu, il recommença ce qu’il savait faire : étirer les mots, les rapetisser, les déformer, les salir. Monsieur Murmure écrivait ces nouveaux mots dans son patazine tout en en semant d’autres, encore plus déformés sur Plumes patazine et sur les autres patazines. Il se moquait de recevoir de temps en temps des appels des chefs de ces patazines qui, mécontents, lui demandaient d’où venaient ces petits mots qu’il distillait derrière lui en arpentant les allées des grandes foires, des petits mots qui ne correspondaient en rien à ce qu’ils vivaient. Monsieur Murmure disait toujours que ça n’était pas lui, puis tentait de convaincre ses interlocuteurs de quitter le groupe sous réserve de mille supplices infligés par le grand chef. Monsieur Murmure, qui en voulait beaucoup au grand chef de ne pas l’avoir repris et mis chef de Duvet patazine, d’autant qu’il n’était pas chef dans sa nouvelle rédaction, avait décidé que ses mots seraient son épée de chevalier. Une histoire de plafond Le ventre de madame Murmure commença à s’arrondir, signe qu’un bébé Murmure était en route. Au même moment, le grand chef décida de changer les dalles du plafond. Un homme très expérimenté était venu les regarder de près, et avait conclu qu’il fallait les changer car elles contenaient du margilage, qui se transforme en poussière quand il devient tout vieux. L’homme très expérimenté avait bien souligné au grand chef que ce type de margilage n’était pas dangereux, mais que par principe de précaution, il valait mieux le changer. Il avait d’ailleurs laissé un gros tas de feuilles remplies d’explications. Le grand chef avait alors appelé Margilage secours, qui envoya des géants enlever les dalles un samedi. Comme les géants avaient du mal à se mouvoir dans des bureaux aussi petits, ils s’énervèrent et retirèrent les dalles avec des grands gestes. Ce faisant, ils laissèrent des petits coins de dalles sur le plafond. Le lundi, les lutins découvrirent un plafond avec des fils qui pendaient ici et là. Le grand chef leur avait assuré que toutes seraient remplacées dans la semaine. Le mardi, monsieur Zigue s’ennuyait. Il s’ennuyait tous les mardis, quand il avait fini d’écrire son patazine. Alors il passait chez Plumes patazine, chez Oie patazine, chez Duvet patazine, bref partout, pour tuer le temps et discuter avec les autres dont il pensait qu’ils étaient comme lui, qu’ils avaient terminé d’écrire. Ce qui n’était jamais le cas, mais monsieur Zigue ne s’en apercevait pas, distrait et bavard qu’il était. Monsieur Zigue s’ennuyait tellement qu’il leva les yeux sur le plafond et se dit que la poussière de margilage serait son sujet du jour : et si les petits triangles laissaient s’échapper de la poussière de margilage ? Il passa de pièce en pièce, où il discuta des maladies apportées par le margilage. Dans une pièce, il trouva un écho dans les oreilles de monsieur Zoug, qui ne s’ennuyait pas mais qui voulait vérifier par des chiffres. À deux, ils allèrent trouver mademoiselle Joli-cœur, qui verbalisait le grand chef quand celui-ci volait trop de chocolat dans les rédactions. Tout le monde savait en effet que le grand chef n’était pas bien méchant mais avait un vilain défaut : il stockait les chocolats dans un grand coffre qu’il n’ouvrait que pour contempler son magot en caressant amoureusement les courbes arrondies des chocolats. Mademoiselle Joli-cœur, qui avait été élue par l’ensemble de ses compagnons, commençait à en avoir assez de s’occuper des histoires de stock de savon, de couleur de PQ et de sieste au lieu de travailler sur de vrais problèmes. Quand messieurs Zig et Zoug vinrent la voir, elle sentit que l’heure était grave et qu’il fallait vérifier si danger il y avait. Elle appela donc le docteur Plexus, qui tous les mois posait son stéthoscope dans le dos des lutins pour vérifier s’ils n’étaient pas malades. Le docteur Plexus, en fait c’était une doctoresse, terrifiait le grand chef à chacun de ses passages. Depuis ce jour, les lutins aimaient tellement le docteur Plexus qu’ils lui déposaient du chocolat le soir en passant devant son cabinet. L'avis de Maître Margilage Le docteur Plexus vint immédiatement. Quand elle comprit la situation, elle ouvrit son carnet d’adresses et appela un homme encore plus expérimenté que le premier. Tellement expérimenté qu’il portait le titre de Maître Margilage dans la nation lutine toute entière. Le docteur Plexus lui envoya par télématique le gros tas de feuilles pour qu’il sache de quoi il en retournait, puis mit le vibraphone pour que tout le monde entende sa réponse : « pas de danger, les lutins ne craignent rien ». Il expliqua longuement pourquoi la poussière observée n’était pas du margilage et répondit patiemment à toutes les questions des lutins et du docteur Plexus, elle-même spécialisée dans la maladie du margilage poussiéreux. Madame Murmure entendait tout cela, tout comme les autres lutins. Madame Murmure a peur Le mercredi, madame Murmure prit place sur son tabouret, tout comme les autres lutins. Quelques heures plus tard, elle assista à l’apéritif qu'offrait monsieur Zoug pour présenter bébé Zoug. La veille encore, il hésitait. Mais à la lumière des explications de Maître Margilage et de ses propres connaissances sur le margilage, il avait pris bébé Zoug sous le bras et madame Zoug par la main et les avait amenées. Madame Murmure ne cessait de passer la main sur son ventre, en pensant à bébé Murmure. Et elle se remémorait les petits mots que lui avait susurrés monsieur Murmure la veille au soir. Elle ne savait pas que monsieur Murmure venait d’appeler madame Lola, qui travaillait aussi à Plumes patazines depuis le début. Il avait enjoint madame Lola de partir en courant, lui promettant la mort subite si elle restait. Madame Lola ne le crut pas, elle avait lu le petit message de mademoiselle Joli-cœur avec les explications de Maître Margilage. Mais elle signala cet appel à madame Murmure entre deux bouchées de saucisson. Paniquée, manquant brusquement d’air, sûrement une poussière de margilage coincée dans la gorge, madame Murmure traversa la rue et courut chez le docteur Plexus. Le docteur Plexus la rassura, elle avait même consulté la nuit dernière ses grimoires pour vérifier. Mais madame Murmure prit le téléphone et appela les lutins du travail. Elle ne dit pas son nom, ce qui était inutile car les lutins du travail ont une règle d’or : ils sont muets. Les lutins du travail sont souvent détestés par les grands chefs. Très utiles, ils vérifient que les lutins travaillent dans de bonnes conditions. Les lutins du travail parlèrent aussi au docteur Plexus. Puis madame Murmure quitta le cabinet du docteur Plexus et retourna sur son tabouret, l’air de rien. Peu de temps après, deux lutins du travail arrivèrent accompagnés du docteur Plexus. Le docteur Plexus était ennuyée, car il lui semblait bien qu’il n’y avait pas de problème. Les lutins du travail déposèrent un papier ordonnant la fermeture de toutes les pièces où avaient été enlevées les dalles, le temps que soit analysé l’air. Puis ils partirent. Madame Murmure descendit peu de temps après leur départ et, comme le lui avait si bien appris monsieur Murmure, feinta la surprise à l’annonce de la fermeture de Plumes patazine, de Oie patazine, de Foie gras patazine et de Duvet patazine. Puis elle rentra chez elle annoncer la nouvelle à monsieur Murmure qui préparait déjà de nouveaux petits mots à semer. Des lutins en colère Pendant ce temps , les lutins encore présents envoyèrent des messages télématiques aux lutins déjà rentrés chez eux pour leur expliquer la fermeture des patazines pendant deux jours. Beaucoup de lutins voulaient se révolter, tant il leur apparaissait que la crédibilité et les dires de Maître Margilage n’étaient pas à mettre en doute. En se parlant les uns les autres, ils reconstituèrent la visite de madame Murmure chez le docteur Plexus et le coup de fil de monsieur Murmure à madame Lola. Les esprits s’échauffaient contre madame Murmure et monsieur Murmure, dont beaucoup connaissaient l’existence des petits mots. Certains échafaudaient des plans pour mettre madame Murmure en quarantaine, d’autres ne voulaient plus lui adresser la parole. Et beaucoup voulaient venir le jeudi matin pour travailler sur la sortie de leurs patazines. Le grand chef lui-même calma les plus ardents. Car si le grand chef avait des défauts, comme celui de voler les chocolats de ses lutins, il n’aimait pas le conflit et encore moins la rancune. Le grand chef renvoya les derniers lutins chez eux. Les chiffres arriveraient le lundi suivant. D’ici là, les colporteurs de faits et d'idées travailleraient chez eux, les arrangeurs d'images et les autres auraient deux journées payées à faire ce qu’ils voudraient.Ailleurs, il y a des gens qui se battent réellement pour sauver leur peau. Haut de page