L'idée
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Source : Irène Delse, un blog d'écrivain blog d'écrivain sur Technorati">
La question revient souvent, c'est normal. Auteurs cherchent éditeurs, désespérément. Et parfois, des éditeurs cherchent des auteurs... Les uns et les autres devraient pouvoir s'entendre, non ?
J'en discutais il y a quelques temps par courriel avec Eric Mainville : pour trouver un éditeur, les auteurs débutants ne pensent pas toujours aux petits et moyens éditeurs, et c'est dommage.
L'expérience le montre, les observateurs avertis le répètent, les pros l'avouent parfois : un éditeur ne refuse pas forcément un manuscrit pour cause de qualité intrinsèque insuffisante, mais parce qu'il pense que lui, l'éditeur, ne pourra pas vendre ce livre. Corollaire : si un éditeur (ou deux, ou trois) a refusé votre manuscrit, ce n'est pas une raison de penser que le texte est mauvais ! Ni surtout de se décourager, car ce qu'un éditeur A trouve incompatible avec sa politique éditoriale pourra tomber pile dans le créneau d'un éditeur B !
Cependant, on a souvent intérêt dans ce cas à se demander, au-delà du refus ponctuel, si on ne s'est pas fourvoyé dans le choix du ou des éditeurs démarchés.
Affinités, proximités
Toute maison d'édition sérieuse a un profil, une personnalité, qui se révèle tant par le choix des textes publiés que par la façon de les présenter. Et aussi par les affinités qui peuvent se nouer au fil des années avec des auteurs, des revues, d'autres éditeurs... Cette identité éditoriale peut se trouver ainsi incompatible avec le texte que vous proposez, et que l'éditeur vous renvoie à regret.
Bien sûr, j'imagine que la plupart des lecteurs ici se rendent compte qu'il est inutile de proposer un roman historique à la Alexandre Dumas à un éditeur de poésie d'avant-garde, et vice-versa ! (Et encore... Parfois, les manuscrits tombent sur le bureau d'un éditeur comme des bouteilles à la mer, sans rapport aucun avec ce qu'ils ont publié auparavant. Un constat un peu déprimant, je trouve.)
Mais il y a plus difficile à cerner, pour un auteur non averti.
Par exemple, telle maison d'édition publiera plus volontier des textes engagés, une autre des ouvrages d'évasion pure ; tel éditeur aura une sensibilité proche d'idées politiques ou philosophiques marquées, un autre sera très éclectique ; enfin, certains éditeurs privilégient la recherche littéraire, le défrichement de territoires non encore explorés, mais d'autres préféreront un contenu et une forme classique à condition d'y trouver une «voix» personnelle et authentique, une sensibilité qui rend l'auteur attachant.
Prospecteurs d'éditeurs
Pour s'y retrouver, la meilleure chose à faire est de commencer par observer autour de soi : quels livres avez-vous chez vous, lesquels lisez-vous en bibliothèque ? Et bien sûr, que lisiez-vous plus jeune, dans votre période de formation ?
Les éditeurs des oeuvres que vous préférez, celles qui ont nourri votre imagination et votre réflexion, auront des chances d'être proches de ce que vous recherchez : un éditeur qui «comprenne» votre texte, qui ait envie de le défendre devant le public. Un exemple récent : Gallimard éditant Jonathan Littell, dont les références littéraires (Genêt, Blanchot, Bataille...) sont justement des auteurs Gallimard.
Mais ce n'est pas suffisant. Là commence la phase de recherche !
Il faut savoir qu'il y a en France plus d'un millier d'éditeurs, souvent peu connus du grand public mais qui jouent un rôle très important de découvreur de talents. Publiant peu mais en s'engageant derrière leurs livres, ils s'appuient sur des réseaux de librairies, revues, radios et sites internets qui relaient ce qu'il font, un peu en marge des «grands» médias. Parfois, cependant, ils créent la surprise, comme Cheyne l'avait fait en 2002 avec Matin brun, de Franck Pavloff, ou les éditions de l'Aube avec la traduction du prix Nobel de littérature Gao Xinjian. Et un grand éditeur actuel comme Actes Sud est un ancien «petit» éditeur.
L'AUDACE des auteurs
Pour se retrouver dans la jungle des maisons d'édition, un bon guide est AUDACE, l'annuaire publié par Roger Gaillard chez l'Oie Plate. Avec plus de 1000 fiches techniques détaillées, le «profil» et la politique éditoriale de chacun est décortiqué afin de guider les envois de manuscrit en toute connaissance de cause.
On y précise aussi pour chaque éditeur s'il s'agit de compte d'auteur, de compte d'éditeur classique ou d'un mélange des deux... Il faut savoir que des éditeurs comme L'Harmattan (mais aussi Bénévent, Imago...) publient beaucoup de textes d'auteurs débutants, mais d'une part ils demandent une «contribution» aux frais de fabrication (financière ou technique, si l'auteur fournit lui-même la maquette), et d'autre part ils ne les soutiennent absolument pas. Ils ne se donnent pas (et ne donnent donc pas aux livres) les moyens de rencontrer le public, faute de diffusion en librairie ou même de service de presse. J'en parle d'expérience, des gens de mon entourage ayant publié à L'Harmattan et déchanté ensuite. Si l'auteur lui-même ne prend pas la peine de démarcher les libraires, bibliothèques , médias, etc., le livre restera aussi inconnu que s'il n'avait jamais existé.
Je recommande aussi à ce propos la lecture des conseils de l'Oie Plate sur l'envoi d'un manuscrit et la typologie des contrats d'édition. Comme on disait au temps du Calcre, un auteur averti en vaut deux !
À bons droits... d'auteurs
Pour faire simple, un éditeur qui demande à la fois une contribution aux frais ET la cession des droits sur le texte est malhonnête ! C'est soit l'un (compte d'auteur), soit l'autre (édition classique). Ni l'Harmattan ni Bénévent ne sont dans ce cas, pas plus que Manuscrit.com ou Publibook.
Voyez aussi Marc Autret et ses 150 Questions sur l'édition pour vous y reconnaître. Devant la multiplicité des formules d'édition possible, et les difficultés pour les débutants, ce vade-mecum est indispensable !
Cette question des droits est importante : un auteur qui se retrouve coincé par un contrat chez un éditeur qui ne donne pas sa chance à son texte faute d'une «exploitation permanente et suivie» (selon le mot du code de la propriété intellectuelle) est dans une situation peu enviable... Alors que s'il passe par un prestataire honnête, il a toujours la possibilité de reprendre son texte et d'essayer ailleurs si ça ne marche pas.
Le compte d'auteur honnête, ça existe (citons Presse de Valmy ou Yvelinéditions, par exemple). Et si on veut tenter l'aventure de l'autoédition, le meilleurs prestataire sur Internet actuellement est sans doute Lulu.com, qui laisse les auteurs absolument libres de leur politique en matière de présentation, de prix, de mise en vente, etc., et qui offre de multiples outils, très puissants, pour obtenir un résultat de qualité presque professionnelle. En plus, ils s'appuient sur une communauté en ligne d'utilisateurs qui permet au débutant de trouver de l'aide sur les questions pratiques techniques.
Mais je rappelle que s'éditer soi-même est un vrai travail, pour lequel on n'est pas forcément taillé ! Et si l'autoédition en ligne peut se justifier pour des marchés de niche (ouvrage technique pointu, textes underground, etc.), je pense qu'il serait dommage, lorsqu'on a écrit un texte littéraire qui se tient, de ne pas essayer de frapper à plusieurs portes d'éditeurs. Trop souvent, les auteurs essaient quelques éditeurs qui ont pignon sur Fnac, puis se découragent ! Alors qu'auprès d'un éditeur «artisanal» sérieux, ils auraient pu trouver un public et commencer à se faire connaître.
Approche par la face Web
À part l'annuaire AUDACE, un bon moyen pour découvrir la petite édition est de suivre l'actualité de sites comme Sitartmag ou l'incontournable Zazieweb. Forums, webzines et blogues consacrés aux livres sont aussi de bons moyens de s'informer...
Plus les sites officiels des éditeurs, bien sûr, qu'on trouvera vite en gouglant un peu. Ceux qui cherchent des manuscrits prennent généralement le soin de mettre en toutes lettres sur leur site ce qu'ils cherchent exactement et comment leur envoyer vos textes. Il est judicieux de lire (et méditer) ces instructions, avant de bombarder les éditeurs de manuscrits non sollicités, courriels ou coups de fils insistants, etc. (Et je ne parle pas des gens me contactent moi, alors que je ne suis même pas éditeur, mais que j'ai juste publié un roman... Pitié, les amis ! Je n'ai pas la clef du champ de l'édition ! J'en parle ici d'après mon expérience, mais je ne m'amuse pas à garder pour moi des informations ou contacts secrets. Ce que je sais est sur ce blogue, point.)
Avec une pensée émue pour les petits éditeurs, ces hommes ou femmes orchestres qui poursuivent leur artisanat contre vents et marées, au risque de se donner des ulcères. Il faut un sacré grain de folie pour se lancer dans l'édition, beaucoup de passion pour y persévérer... et garder les pieds sur terre pour y réussir ! Sans compter un brin de chance, cela ne fait pas de mal.
Vous ne me croyez pas ? Lisez un peu ce coup de gueule d'Hélène, du Navire en Pleine Ville !
Vous venez de pondre un bouquin, il est corrigé, recorrigé : vous écumez les librairies pour trouver les éditeurs qui correspondent à son profil, vous envoyez par mail quand c'est possible (c'est aussi moins pénible de répondre par mail que de taper une lettre formatée, l'imprimer sur papier à en tête, la mettre dans l'enveloppe, etc.) et vous évitez de les distribuer dans les salons, merci (on a déjà toujours cinquante millions de trucs à transbahuter et on est crevés !). Et évitez d'appeler cinquante fois l'éditeur, il vous donne en général une fourchette de délais, mais il peut lui arriver d'être débordé. Un petit mail au bout de trois mois pour éventuellement vous rappeler gentiment à son souvenir, mais pas plus. En général, il fait ce qu'il peut, le bougre. Surtout quand des tones de zozos lui ont envoyé des manuscrits totalement à l'ouest ! Non, non, les éditeurs ne mordent pas... (Sauf dans les dolmades, mais c'est une autre histoire, hein...) Bon, tout de même, ça ne fait pas de mal d'être polis avec eux, si, si, vous seriez étonnés !
Allez, pour finir : surtout, bon courage ! Il y a bien des façons de percer en édition, et les chemins de traverse sont souvent les plus pittoresques...