L'idée
Ce blog regroupe les articles publiées par des bloggeuses. Inscrivez-vous pour pouvoir ajouter des weblogs à la liste des weblogs tenus par des femmes qui ne sont pas des suivi de vie/journaux intimes.Es war eens un hermoso fine settimana, indeed
Source : Kozeries en dilettante
C'était le week-end dernier ma première incursion en terre bruxelloise en compagnie du plus latinophile de la res blogica pour aller écouter à La Monnaie des Gurrelieder de Schönberg.
Bruxelles c'est la ville-patchwork. L'architecture semble sans recherche de la moindre cohésion (je me demande s'il existe seulement un plan d'urbanisme ?). Les boutiques fashion cotoient de luxueux showrooms ou des échoppes de fringues à trois balles. Les événements culturels sont assez rigolos aussi, nous avons ainsi vu des affiches annonçant pour ce soir un concert Supertramp / José Van Damme / Maurane !
Et puis en tout lieu, du café branchouille au métro en bout de ligne, les langues ne s'y entendent jamais par moins de paquets de trois différentes sans que quiconque s'en étonne : c'est normal. On réclame en français de la nourriture italienne chez un pakistanais qui répond en anglais. Cela s'ajoute bien sûr à la double signalisation français-wallon. Bref, bien malin qui saurait reconnaître un touriste d'un habitant de Bruxelles.
Mais nous sommes touristes, nous, et éxécutons scrupuleusement les figures imposées : la Grand Place, où ne nous attardons guère pour cause de fête de la bière et viande saoûle assortie, la basilique Saints Michel et Gudule et sa galerie de photos pipole, l'Atomium et ses gadgets avec la neige qui tombe... et bien sûr un dîner moules-frites chez Léon. Pas de gaufres, ça sera pour la prochaine fois.
Car nous y retournerons à coup sûr, si d'autres concerts aussi réussis que celui de samedi doivent s'y dérouler. Pas de doute, « ça valait le déplacement ». Un peu rétive à l'idée d'un voyage pour aller écouter les compos d'un gars du vingtième, moi qui ne jure que par le un-neuf, mais attirée par la curiosité de ce qui faisait rêver Pascal depuis tant d'années, je lui avais demandé de me prêter un CD des Gurrelieder. L'enregistrement est vraiment très bien et je savais que je ne m'y ennuirais pas ni n'aurais envie de me munir de boules Quiès. Mais c'était bien mieux que ça, beaucoup bien mieux même. C'est que 140 musiciens et une centaine de chanteurs, croyez-moi, quand ça joue pleins tubes, ça dépote grave de chez sa mère. C'est aussi que ce que ne peut rendre le disque c'est la variation énorme de puissance que peut donner un seul pupitre jouant piano (rha le solo des violoncellistes !) et l'ensemble des musiciens donnant toute leur puissance dans une salle certes pas minuscule mais bien plus petite que l'Opéra Bastille par exemple.
Dans cette énorme masse, les chanteurs solistes ont bien du mérite à réussir à se faire entendre. La soprano (Tove), Anne Schanewilms, n'y parvenait d'ailleurs pas vraiment, ce qui est bien dommage car elle avait un timbre qui convenait à merveille à sa partition et les bribes entendues laissaient transparaître un très beau chant. Chapeau bas au très bon Stephen Gould (Valdemar), qui tient sans faillir le rôle principal du roi amoureux. Et je vous prie de croire que marier un livret d'un romantisme aussi échevelé avec un gabarit de déménageur et une voix de tonnerre, c'est un sacré pari ! L'émerveillement total, ce fut à la fin de la première partie, lors de l'apparition de la colombe, incarnée par la mezzo Anna Larsson qui parvient à émouvoir par sa fragilité tout en couvrant les 150 lascars de l'orchestre qui donnent tout ce qu'ils peuvent, sous la baguette (magique) du futur directeur musical de la Monnaie, Marc Wigglesworth. Cette femme , que bien entendu je ne connaissais absolument pas puisqu'elle ne chante pas dans les répertoires auxquels je suis habituée[1], m'espante littéralement.
Je suis aux anges quand sonne l'heure de l'entracte. Je feuillette le programme que je viens d'acquérir (au fait : bien plus riche que ceux qu'on trouve ici dans nos salles parisiennes, Pascal se mordra les doigts de ne l'avoir acheté) et décidée à revenir si la même équipe offrait un Wagner, c'est vous dire !
Les chœurs étaient absents dans la première partie, ils font leur apparition après l'entracte. Madre de Dio, je croyais que ça dépotait avant, c'est qu'il en manquait cent, et que cent de plus... pfiou ! ça emplit les oreilles jusqu'au fond du cerveau et ça scotche au fond du fauteuil ; presque trop dira Pascal, mais moi ça m'allait bien, drôlement bien même. J'aime ces moments où la musique ne laisse pas d'autre choix que se laisser emporter par son flot.[2] Ça patine quelque fois chez les ténors mais ils se rattrapent bien en deux trois mesures.
Le concert touche à sa fin, le désespoir de Valdemar est à son comble. Déjà un peu sonnés par la musique et le chant, on plonge dans je ne sais quelle dimension avec l'apparition de Brigitte Fassbaender. Cette mezzo-soprano allemande est la voix d'Eros de l'ami Zvezdoliki, qui aura raison de se désespérer de n'être venu. A presque soixante-dix ans, la dame entame un monologue en Sprechgesang (mi-déclamation mi-chant) à tordre les boyaux du plus imperméable des auditeurs. «Erwarcht, erwarcht !», clame-t-elle aux fleurs de se réveiller à la fin de son récitatif. Et l'on ne saurait s'étonner alors que les décibels atteignent le maximum de la soirée car bien fou celui qui désobérait à pareille injonction !
Quand la lumière se rallume sous les aplaudissements on se regarde avec Pascal : « Walala hein ? » « Ah wuais, walala ! » (la musique rend la conversation brillante).
Du coup j'ai même pas envie de parler du truc bizarre en plus de la musique , la « création vidéo », dont je n'ai apprécié que le surtitrage qu'elle permettait. C'est pas grave, on oublie. Parce que dis donc, walala ce concert !
N'est-ce pas Pascal ? Notes [1] Ça n'est d'ailleurs pas tout à fait vrai, j'ai vu qu'elle avait incarné l'Eboli de Don Carlos et ça devait être quelque chose, boudiou ! [2] Note aux adolescents qui partagent mon poulet frites et tomberaient par mégarde sur ce billet : dans les salles de concert uniquement.