L'idée
Ce blog regroupe les articles publiées par des bloggeuses. Inscrivez-vous pour pouvoir ajouter des weblogs à la liste des weblogs tenus par des femmes qui ne sont pas des suivi de vie/journaux intimes.Il s’appelait Ellux Agolphne De Freitas dit Nicky (part 2)
Source : Le blog de moi
Première partie *** Comme pour sa toute première agression sur l’île, cette fois encore Nicky ne s’attaque pas à de totales inconnues; la maisons des deux victimes se trouvant non loin de l’Habitation Depaz où il avait travaillé. Catherine le connaissait de vue et il avait été aperçu rôdant souvent du côté de leur domicile. Emma H. s’était d’ailleurs plainte (comme tout le quartier) à plusieurs reprises de vols et avait accusé le jeune homme d’en être l’auteur. Toujours est-il que ce 28 janvier 1981, Catherine, après avoir été témoin de l’agression de sa grand-mère, est emmenée de force dans le refuge de Nicky sur les contreforts de la Montagne Pelée. Ligotée, elle sera violée (une fois) le lendemain matin. Ce n’est que le 30 janvier que les disparitions de Emma H. et de sa petite-fille sont signalées aux gendarmes de Saint-Pierre qui relient immédiatement l’affaire à Nicky et se mettent plus activement à sa recherche (rappelons qu’à ce moment il est déjà en cavale depuis plus de 3 mois). L’hélicoptère de l’armée est de nouveau de sortie et aux 200 gendarmes mobilisés (les chiffres oscillent entre 200 et 400 selon les sources) sont cette fois venus se joindre, à l’initiative du maire de Saint-Pierre, des bénévoles et des membres du conseil municipal. Il faut dire que la population exaspérée du manque d’entrain pour certains, du manque de moyens pour d’autres des forces de l’ordre a décidé de s’organiser. La peur latente depuis octobre se transforme en colère. Le nord de l’île (toutes les communes attenantes à la Montagne Pelée) est en ébullition. La population s’arme pour sa propre défense mais également dans le but de rechercher le fugitif et sa prisonnière. Le 3 février 1981, la photo de Nicky s’étale pour la première fois en Une du France -Antilles. De véritables battues sont organisées pour une chasse à l’homme, contre l’ennemi public n°1, qui peut laisser présager de la pire issue. Les journaux de gauche s’en donnent à coeur joie dénonçant l’incurie, l’incompétence et le manque de retenue des autorités accusés par ailleurs de recherche de sensationnalisme via FR3 et France -Antilles tout en plaidant pour qu’il soit capturé vivant et jugé et non pas abattu à vue. La critique principale faites aux forces de l’ordre semble être la légèreté pré-supposée ou réelle avec laquelle les premières affaires ont été traitées. De son renvoi vers une île dont il n’était pas originaire à ses quatre mois de cavale durant lesquels il a été jusqu’à se montrer (fin octobre) dans les environs du bourg de Saint-Pierre déclenchant une course poursuite avec les gendarmes (qu’il parviendra à semer en coupant à travers champs). A décharge, une rumeur semble avoir circulé fin octobre 1980 d’un Nicky cherchant l’aide d’un pêcheur pour fuir vers Sainte-Lucie. Concernant le traitement de l’affaire H., l’appui des bénévoles fait également l’objet de critiques virulentes. Quant à l’emploi à l’emploi tardif d’un chien policier (qu’on a, comble de l’insulte, fait venir de l’hexagone avec son maître alors qu’il existait des maîtres-chiens locaux dont les animaux auraient tout aussi bien fait l’affaire) cette critique qui peut tenir de l’anecdotique lorsqu’il s’agit de préciser l’origine de l’animal est encore une fois révélatrice de blessures plus profondes. Ainsi dans une ancienne colonie où le Code Noir était en vigueur, il n’est pas bon, ne serait-ce que pour la portée du symbole, utiliser un chien pour rechercher un fugitif… L’utilisation de chiens policiers aurait certainement rappelé par trop les pratiques qui avaient cours au temps de l’esclavage (pour rattraper les esclaves en fuite). Le risque (celui par exemple de retourner la population en faveur du fugitif) n’a vraisemblablement été pris que lorsqu’il s’est imposé comme la seule solution pour chercher convenablement un fuyard dangereux qui connaissait le milieu dans lequel il évoluait (le forêt tropicale en flancs de montagne) comme sa poche comme pour restaurer une image et une autorité quelque peu mises à mal. Toujours est-il que quatre mois plus tard, bien qu’insaisissable, il est plus que jamais présent sur l’île et dans tous les esprits; faisant d’ailleurs l’objet des rumeurs les plus folles et contribuant ainsi à l’installation d’un drôle de climat. “La terreur s’installe. Chacun a peur de rencontrer l’homme recherché qui, croient-ils, à la tombée de la nuit, redescend dans la ville. Les enfants doivent s’empresser de regagner leur domicile après la sortie de l’école. Les gens ne s’attardent guère dehors au crépuscule. La population est en proie à une véritable psychose collective.” (Figures et procès: Le barreau de la Martinique 1900-2000, p.238) Des relents de xénophobie (relayés par la presse) font également craindre le pire pour les originaires des autres îles de la Caraïbe qui pourraient faire les frais d’éventuelles représailles. C’est dans cette atmosphère un brin délétère qu’est annoncé la libération de Catherine. Pourtant, ce ne sont pas les gendarmes, auxquels Nicky parvient à échapper pendant près de 10 jours encore et ce malgré la présence, que l’on imagine handicapante, de la jeune fille à ses côtés et accessoirement toute l’île à ses trousses, qui parviendront à le retrouver mais trois de ces fameux civils bénévoles. Le 7 février 1981, alors que Nicky et sa captive étaient tous les deux à découvert près d’une rivière, ils vont parvenir à la libérer en profitant d’un moment d’inattention de son ravisseur. Au cours du sauvetage, ce dernier, blessé par balle à la jambe, réussi tout de même à s’enfuir. Le France -Antilles du lundi relate l’épisode; le récit par Catherine de son histoire achevant de convaincre l’opinion quant à la dangerosité du personnage. Personnage dangereux, blessé, mais qui encore une fois courre toujours malgré le déploiement sans précédent d’hommes sur le terrain et les diverses opérations de recherche. L’affaire se politise au point d’être évoquée en fin de séance au Conseil Général notamment par élus du groupe communiste. Les pouvoirs publics, le Préfet le premier, sont de nouveau pointés du doigt. Le cauchemar des forces de l’ordre prendra fin le 16 février 1981, jour où Nicky est finalement découvert en forêt. Alors qu’il tente à nouveau de s’enfuir, un coup de feu l’atteint à la colonne vertébrale; blessure qui lui vaudra une paralysie des membres inférieurs. L’auteur du coup de feu n’a jamais été formellement identifié. Le procès de Ellux Agolphne De Freitas dit Nicky s’ouvrira le 23 juin 1982 à Fort-de-France . to be continued