L'idée
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Source : Le blog de moi
Blast 2: L'Apocalypse Selon Saint Jacky « Je mens. Je mens toujours. Je dis que je me souviens de rien, que je suis né du matin. Je dis que je comprends, qu’à votre place, sans doute, j’aurais ri aussi. Je mens pour un peu de repos, d’indulgence, pour le pardon de ma dissemblance. Je mens aussi pour ne pas vous massacrer à mon tour.  Je mens toujours car,en réalité, je me souviens de tout. » Purée quelle BD… Le sentiment de malaise vous reprend (le tome 1 s’intitule « Grasse carcasse » et je vous invite à vous précipiter dessus immédiatement) tout de suite à la gorge dès les premiers traits de dessin et les premières bulles. On ne sait toujours pas ce que le personnage principal a fait à Carole Oudinot mais ça lui vaut de se retrouver en garde à vue, face à deux flics, coriaces, mais un peu démunis devant la personnalité de Polza Mancini. Ce qu’il a fait on le devine autant avec les mot de Mancini, qui nous raconte son histoire, sa version des faits (via ses souvenirs et digressions), qu’avec les attitudes des flics autour de lui. Et au fur et à mesure on suspecte une horreur. Une horreur sans nom. De celle dont la possibilité nous échappe mais qui peut fasciner comme ce personnage aussi énigmatique et intelligent que physiquement repoussant. Ce Mancini, écrivain obèse, en rupture émotionnelle avec la société à cause de son surpoids, dont la vie va basculer après la mort de son père et son premier blast (sorte de transe mystique formalisée sur les planches via une explosion de couleurs sous le forme de dessin d’enfants). Son silencieux rejet de lui-même, né du regard de l’Autre, va alors prendre concrètement la forme d’une errance volontaire à la recherche d’autres blasts. Mancini va ainsi se mettre, de lui-même, au ban de la société et retourner littéralement à un état primitif. Ce retour à la nature va cependant libérer au fur et à mesure (on le comprend en cours de lecture) ses instinct les plus primitifs. Là où l’oeuvre de Manu Larcenet est bluffante c’est dans l’ambivalence des sentiments qu’il nous fait ressentir dans le premier mais aussi tout au long de ce second tome. Parce qu’il est difficile d’éprouver de l’empathie pour Mancini malgré les difficultés évidentes de son parcours. Les zones d’ombres, les omissions (mises en lumière par les flics lors des séquences d’interrogatoire) de son personnage sont autant d’alarmes sur sa véritable nature. On n’a pas affaire à une victime (bien qu’il ne fait aucun doute qu’il l’ait été dans sa vie) mais plutôt à un prédateur et de la plus dangereuse espèce: celle qui s’est affranchie des lois et des codes de la société. Mancini dérange parce qu’il est repoussant de lucidité sur lui-même (sur comment peut le percevoir la société) mais également dans sa vision du monde qui l’entoure… donc sur nous… Il se hait. Il nous hait. Il en devient viscéralement antipathique; les accents lyriques, poétiques presque mystiques, d’une beauté folle, qu’il prend pour nous conter sa vie rendant l’ensemble… incongru. Quelque chose nous dit être en présence d’un monstre mais dans quelle mesure avons nous notre part de responsabilité dans sa descente aux enfers sous forme de quête ? Dans le tome 2, les choses ne n’arrangent pas. Alors qu’un élément majeur, relatif à la victime, change la donne pour les enquêteurs; on en découvre un peu plus sur sa vie de vagabondage et d’errance, plus ou moins hors-la-loi (dans le sens premier du terme) de Mancini. Plus que jamais marquée par la quête du Graal qu’est le « blast », cette dernière est ponctuée d’épisodes en hôpital psychiatrique et de rencontres marquantes (souvent dans sa chair). Mancini fait notamment la connaissance de Jacky, dealeur des campagnes, marginal comme lui-même, dévoreur de… livres. … Et c’est là que Saint Jacky descend du ciel ! J’apporte la myrhhe, l’encens et la très sainte défonce en ces contrées isolées. (p.128) Jacky qui va se révéler être un personnage plein de surprises. Ce nouvel opus a gardé le côté hypnotique et dérangeant du premier; que renforce d’ailleurs le parti pris du noir et blanc (plutôt des dégradés de gris pour être précise). Le trait de dessin est acéré; sans concessions pour les gueules qu’il nous raconte. L’ensemble est fait de silence, de paysages fantomatiques, de rêveries cauchemardesques que chaque explosion de couleurs « blastique » dérange. Le tout ancré dans une douloureuse réalité. C’est froid. Ca déroute. C’est hanté. C’est beau. Ca glace. C’est tortueux. C’est sombre. C’est beau. Je m’étais pris une gifle à la lecture du premier tome. J’ai religieusement tendu l’autre joue… pour le même résultat. Larcenet a promis deux autres tomes. J’ai hâte. Si ce billet a ne serait-ce qu’éveillé votre curiosité quant à ce roman graphique, je vous conseille l’interview accordé à Médiapart par Manu Larcenet à l’occasion de la sortie de ce tome 2. p. 110