L'idée
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Source : Le blog de moi
“Lost Girls” en anglais. Signé Alan Moore, alias le maître du scénario en matière de BD, épaulé cette fois, au dessin, de Melinda Gebbie, son épouse. “Lost Girls” c’est l’OVNI qui avait défrayé la chronique pour sa sortie l’an dernier. Et pour cause… il s’agit ici non pas d’une simple BD pornographique (”pornographique” et non pas “érotique” comme on a pu le croire dans le flou artistique qui entourait l’attente de la sortie du livre) mais du récit croisé de l’éveil et des fantaisies sexuelles de 3 des héroïnes les plus célèbre de la littérature enfantine: Alice (du Pays des Merveilles), Dorothée (du Pays d’Oz) et Wendy (la grande amie de Peter Pan). Contrairement aux difficultés que certains lui prédisaient, le livre en plus de se vendre comme des petits pains dans les circuits traditionnels (et pas sous le manteau) a été traduit très rapidement. C’est Delcourt qui s’y est collé en sortant en mars de cette année (soit moins d’une année après sa sortie en VO) une édition intégrale de très bonne facture. Ils sont d’ailleurs en rupture de stock et à mon avis, la facture de l’édition n’y est pas pour grand chose… Synopsis officiel ? “Durant plus d’un siècle, Alice, Wendy et Dorothée nous ont guidés à travers le Pays des merveilles, le Pays imaginaire ou les contrées d’Oz de notre enfance . Depuis leurs voyages, ces trois “filles perdues” ont grandi et sont prêtes à nous emmener, une nouvelle fois, dans un autre monde , celui de l’éveil et de l’épanouissement sexuel. Toutes trois se rencontrent au hasard des couloirs d’un luxueux hôtel autrichien en 1913 ; elles y révèlent leurs désirs et leurs plus intimes expériences.” Je vous le dis tout net, en dépit du dessin stylisé (un peu naïf) de Melinda Grebbie, il est hard. Et 318 pages de porno , aussi stimulant intellectuellement (ce n’est pas une blague et j’y reviendrais) soit le scénario, c’est fatiguant et surtout écoeurant au bout d’un moment. Faut dire que je lis mes BD d’une traite en général (ceci expliquant peut-être cela)… Il est surtout hard par les thèmes évoqués: inceste, pédophilie, viol, homosexualité (que j’ai du mal à placer ici)… tout y passe. Ce qui est dérangeant (et que j’ai trouvé insupportable à certains moments) c’est que si on ne s’attache pas à la subtilité des dialogues et aux propos qui sont prêtées à nos héroïnes (en gros si on se contente des images) c’est que des pratiques sexuelles évoquées; aucune n’est condamnée. Aucune. Pourquoi boire le calice jusqu’à la lie le lire en entier alors ? Tout simplement parce que le travail intellectuel, derrière ce qui semble n’être qu’un ramassis de fantasmes de vieux pervers dégénéré (et je pèse mes mots), est extraordinaire. Ex-tra-or-di-nai-re. Bluffant. Et surtout parce que le message de Moore est plus subtil qu’il ne semble l’être de prime abord même si le mode de narration peut vite le rendre indigeste… Si les historiens et les analystes ont mis à jour la symbolique sexuelle des contes populaires en les disséquant minutieusement; disons que Moore s’amuse à jouer à l’analyste avec autant de minutie (il connaît parfaitement les oeuvres dont il parle) mais beaucoup, beaucoup plus d’imagination. Les histoires de ses trois héroïnes se prêtent d’autant plus à détournement qu’elles évoluent toutes les trois dans un monde imaginaire soit une métaphore parfaite de la sexualité. Il ne s’agit pas de dire qu’il a raison d’interpréter les oeuvres en question de cette manière mais comme d’habitude l’ensemble tient la route pour peu qu’on accepte de le suivre (ne veut pas dire forcément que l’on y adhère, loin de là me concernant) dans les délires sexuels décrits aussi limites soient-ils, moralement, pour certains. Ainsi, dans le livre premier consacré au récit de l’éveil sexuel des demoiselles; transformer le récit de Lewis Caroll (dont la sexualité et le rapport aux petites filles suscite bien des interrogations) et l’histoire d’Alice en celui d’une fillette victime d’un pédophile (le lapin of course qui se transforme chez Moore en ami très pressé mais surtout très peu fréquentable de son père) c’est une chose. Maintenant faire de cette dernière par la suite (et à cause du viol en question ) une prostituée lesbienne toxicomane… faut le faire ! Mais c’est du Moore tout craché ! Et je dois avouer, sans faire de jeu de mots déplacé, qu’on y trouve un petit côté jouissif parce que les scènes, les éléments clés et tous les personnages du livre y sont et sont reconnaissables ! Tous. Dans leur propre rôle un peu transformé et beaucoup sexuel pour le coup mais ils y sont tous. La terrible Reine devient ainsi Mlle Régent, professeur d’éducation physique, dans la pension de jeunes filles où Alice s’initie aux plaisirs saphiques et qu’elle prend sous son aile en tant qu’assistante personnelle après son mariage (à un homme effacé, monument dans le domaine de l’export, répondant au nom de Redman). Alice devient alors son jouet et son esclave sexuel qu’elle livre en pâture au demi-monde lesbien londonien. Là je parle triolisme, bondage, sado-masochisme j’en passe et des meilleures. Un truc de fou… Et là c’est soit vous vous dites comme moi “rhaa pu**** je comprends pourquoi même en n’ayant jamais rien compris à l’histoire j’ai toujours détesté Alice au pays des merveilles !” soit vous éprouvez comme un besoin urgent de vous rappelez de la véritable histoire le regard transformé à jamais. Et encore là je ne raconte une version light de ce que j’ai pu lire et voir ! Si je vous dis que le Capitaine Crochet ne sera désormais pour moi qu’un vieux pervers et Peter Pan et les garçons que de petits gros vicieux… Quant au lion du Magicien d’Oz… Bref. Oui mais pourquoi ? Me direz-vous la larme à l’oeil. Pourquoi entacher ces charmantes histoires de choses de grandes personnes ??? Pour mieux comprendre les motivations des époux Moore, il convient également de connaître les prises de positions du monsieur quant à la pornographie. So, to recap on what we have learned so far: sexually open and progressive cultures such as ancient Greece have given the West almost all of its civilizing aspects, whereas sexually repressive cultures like late Rome have given us the Dark Ages. Sa vision de la pornographie se rapprocherait donc de celle d’un Larry Flint. Il s’agit de rendre obsolète la corrélation entre pornographie et culpabilité et de dénoncer une certaine hypocrisie de la société en général et des sociétés dans lesquelles ils évoluent, en l’occurrence les sociétés anglo-saxonne, en particulier. Je veux bien mais je ne suis pas d’accord. J’estime, à mon humble niveau de réflexion, qu’il serait malvenu sinon malsain de se tromper de combat et de confondre sexualité et pornographie. Rendre obsolète la corrélation entre sexualité (sexe ) et culpabilité est une cause (je pèse encore une fois mes mots) nécessaire. Essayer de donner des lettres de noblesse à ce simulacre de sexualité qu’est la pornographie non ! Ce serait oublier que la pornographie est avant tout une industrie qui opprime les femmes en particulier. De plus défendre la pornographie ne veut pas dire tout admettre comme sexualité sous prétexte que tous les goûts seraient dans la nature. De même le sexe comme facteur de libération de la Femme en tant qu’élément de prise de conscience de son être et de son pouvoir, je veux bien, mais il y a des limites… Bref. Du Alan Moore. L’oeuvre est tellement dense qu’il y a de quoi écrire dessus pour quelques temps encore. Il faudrait que quelqu’un s’attelle à décortiquer les histoires d’Alice, Wendy et Dorothée racontées par Moore à la lumière de l’oeuvre originale. point par point. Franchement, ce n’est pas une oeuvre que je mettrais entre toutes les mains. Il y a déjà assez de pervers en devenir en liberté pour leur faire croire que leurs fantasmes pourraient avoir droit de cité dans des sociétés moins puritaines.