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J’ai vu “Aliker”, le film événement

Publié par [moi] le Dimanche 23 Novembre 2008, 20:42 dans la rubrique Bric à brac - Version imprimable

Source : Technorati

Il était difficile de résister aux sirènes de l’excellente campagne médiatique menée autour du film autant pour la cinéphile que pour la Martiniquaise, sujet oblige, que je suis. “Antilles. Colonie de la Martinique, dans les années 30. Un simple militant communiste, André Aliker, malgré l’opposition effrayée de ses proches, va prendre la direction de la feuille imprimée que son Parti fait paraître vaille que vaille. Par une intuition extraordinaire, Aliker devinera la force d’impact que pourrait atteindre ce moyen d’expression, et il transformera très vite la petite feuille militante en un véritable journal, appliquant des méthodes d’investigations et une éthique dignes de la presse moderne. Dans cet univers colonial, hiérarchisé et clos, soumis à la toute-puissance des usiniers et des planteurs, ce nouveau journalisme aura l’effet d’un cyclone. Aliker s’attaquera directement au plus puissant des usiniers : Le Dragon. Ce dernier a la réputation de détruire tout ce qui s’oppose à ses intérêts. Mais, André Aliker, affrontant sa propre peur, défiant sa propre mort, avec juste l’idée qu’il se fait du journalisme, ira jusqu’au bout de son intransigeant souci d’information et de Technorati. De liberté aussi.” Premier grand ouf de soulagement à ma sortie de la salle: il s’agit bien d’un hommage au journalisme d’investigation militant et engagé inscrit dans une période historique donnée plus qu’une énième lecture manichéenne et “racisée” de notre Histoire coloniale même si certains trouveront le moyen de n’y voir que cet aspect. L’histoire d’Aliker aurait pu s’écrire en un autre lieu pris de la fièvre communiste dans cette période troublée de l’Entre-deux-Guerres mais elle s’est déroulée en Martinique où la lutte des classes s’est, de fait, confondue avec une autre; celle menée contre une idéologie raciste et profondément inégalitaire enracinée dans le système colonial. Ici le grand capital - corrompu de surcroît - était (”est encore” diront certains) aux mains des Békés (pour “blancs du quai”, je le rappelle, soit les descendants des premiers colons blancs). Une fois ce premier écueil évité, que peut-on en dire ?  On commence par les “ce qui va moins bien” ? Premier motif d’étonnement: le manque parfois criant de réalisme. De l’accent des personnages (non, l’accent parisien et l’accent martiniquais ce n’est blanc bonnet-bonnet blanc), en passant par le français et les tournures de phrase impeccables du travailleur martiniquais de base (on reconnaît la plume de Patrick Chamoiseau d’ailleurs) et le créole approximatif de Stomy Bugsy et je passe sur la difficulté de filmer la Martinique des années 30 en 2008 dans des décors… naturels (certains détails architecturaux en arrière plan tuent). Si vous rajoutez à ça deux ou trois termes ou expressions de créole guadeloupéen (comment ça je chipote sé pa menm bagaÿ la piès !).  Guy Deslauriers a-t-il pris le parti de s’adapter au marché hexagonal en le rendant son film “accessible à tous” quitte à faire râler “les puristes” ou a-t-il fait avec les moyens du bord ? Rajoutez à cela les problèmes de budget… Cependant par exemple au sujet de l’accent; un casting entièrement rural-natal-local aurait-il fait l’affaire ? Avons-nous assez d’acteurs professionnels ou simplement de talent pour faire un film de cette envergure avec des gens de chez nous ? Ou tout simplement en quoi cela désert-il le film réellement ? A noter que ce sont là des interrogations. Les chiffres d’exploitation seront certainement un premier élément de réponse. Parlons-en du casting. Ah. Avant de parler d’en parler une Technorati: où diable se situe l’action de ce film ? En Inde pendant la mousson ? En Irlande ? En Angleterre ? Les événements marquants de la vie d’Aliker ont-ils uniquement eu lieu que en saison d’hivernage ? Non sérieusement, il pleut tout-le- Technorati dans ce film ! Argument du réalisateur ? Je cite le dossier de presse: “Tout en libérant la couleur, nous avons décidé avec le chef décorateur Nikos Meletopoulos et la costumière Sandrine Alpha que les décors et les costumes resteraient malgré tout dominés par des teintes sourdes et parfois sombres, ce qui allait de pair avec le thème de l’ Technorati omniprésent dans le film. Cette Technorati accompagne le personnage d’ALIKER, elle est pour lui source de vie tout comme elle sera l’élément de mort; Technorati sombre qui accueillera un corps sans vie. Eaux de pluie, eaux des caniveaux à ciel ouvert, eaux de mer, idéales pour servir notre parti pris de ce travail, que nous voulions sur la lumière.”  Je veux bien que le thème de l’ Technorati soit omniprésent mais quand même ! Bref. Le casting donc. Inégal. Gilles Duarte est très bon à certains moments et… moins à d’autre. Les seconds rôles eux… Lucien Jean-baptiste tire parfaitement sont épingle du jeu en Léopold Bissol par exemple. Johan Titus, qui joue Emilie Aliker, également. Les autres se débrouillent; le résultat étant plus ou moins convaincant selon la scène jouée. Il y donc quelques moments où la magie opère. Véritablement. Et d’autres où on attend la prochaine scène. Ce qui m’amène logiquement à la réalisation de Guy Deslauriers. Un film assez contemplatif dans sa première partie, sensée nous montrer les doutes d’un homme quand à sa véritable place au sein du parti et quand à son véritable rôle: homme de terrain ou Technorati. Comment servir au mieux la cause ? Alors Aliker réfléchit. Et Deslauriers insiste. Et il pleut. Ceci Technorati d’installer l’intrigue dirons certains… Après le choix et l’engagement d’Aliker au sein du journal étant acté le film se sort de sa torpeur initiale sans pour autant véritablement prendre son envol définitivement. On y trouve cependant quelques moments de grâce, quelques scènes fortes qui sont même parvenues à me tirer les larmes sans que je sache véritablement si je le devais au talent du réalisateur, à l’écho des événements relatés dans mon coeur de Martiniquaise où à mon statut d’être humain capable d’émotion tout simplement. Un peu de tout ça certainement. C’est, par contre, ce qu’on a eu de mieux ces dernières années en terme de réalisation en ce qui concerne les productions antillaises. Conclusion ? En forme de “ce qui va bien” alors: il a le mérite d’EXISTER et de nous parler de nous ! Et ça, ça n’a pas de prix. A voir donc.


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