L'idée
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Source : Le blog du bouchon 
C’est un pur exercice de style : ré-écrire le concert de Personne d’un autre point de vue, celui de l’ivrogne de service. Pour les liens vers les musiciens, se référer au billet précédent.La Cigale ne serait pas tout à fait cette célèbre salle de concerts de rock sans son ivrogne de service. C’est en général un être bedonnant, avec une calvitie plus ou moins avancée, la quarantaine aguerrie. L’ineffable blouson de cuir sur le dos, il est chaussé de santiags quoiqu’une tendance récente l’ait converti aux grosses chaussures de tennis. Quand Personne rentre en scène avec les deux autres guitaristes, le bassiste, la choriste et le batteur, l’ivrogne est déjà éméché. Mais pas trop encore ! C’est qu’il en reste du temps pour boire.Fan absolu du musicien sur scène, il danse beaucoup, une main en l’air, et chante d’une voix déjà plus rauque. L’oreille de son voisin le plus proche est souvent la destination préférée de sa voix. Il n’y a qu’au concert de Taj Mahal (en 2003 ou 2004) que l’ivrogne se taisait, sa maîtrise de la langue de Shakespeare étant imparfaite. En revanche, pas de problème pour paraphraser Paul Personne dont la musique l’accompagne depuis tant d’années. Il connaît toutes les chansons par cœur contrairement à moi, qui n’en connaît aucune. Mais j’avais décidé de me faire une vraie et belle surprise en allant découvrir ce patrimoine français du rock – blues rock – blues, le style variant selon ses albums.L’ivrogne hurle sa joie tout comme moi quand Personne annonce le premier invité surprise de la soirée, dont il a déterminé qu’elle aurait pour thème ses plus vieilles chansons : Calvin Russell qui accepte de délaisser sa guitare acoustique pour une version électrifiée. Comme l’ivrogne connaît Personne mieux que personne, il hurle une seconde fois sa joie à l’entrée d’autres éléments du patrimoine, tel l’harmoniciste Benoît BlueBoy ou Hubert-Félix Thiéfaine qui se met au chant. En revanche, l’ivrogne roule de grands yeux étonnés à l’arrivée du groupe Alouest qu’a rencontré Personne au Hard Rock Café lors de sa dernière prestation. Timide à la vue d’un public aussi fidèle et peut-être par manque d’expérience, le guitariste a du mal à suivre Personne dans son invitation au duo improvisé de guitares électriques. L’ivrogne se sent trahi : qui sont ces jeunots qui lui gâchent son concert ?L’ivrogne en profite pour aller se ravitailler. C’est que sa gorge est sèche après autant de cris à l’encontre de son idole. Lorsqu’il se trouve en groupe, l’ivrogne descend avec ses compères, histoire de n’oublier personne.Au milieu du concert, le plus beau trio de guitares ne peut l’empêcher de vouloir tenir le mur qui lui semble tanguer dangereusement. Les coups d’œil inquiets des voisins sur sa personne ne l’atteignent pas. Il tente, les yeux fermés et une cigarette à la main (alors qu’il est désormais interdit de fumer), de distinguer les notes les plus audibles à son oreille brusquement remplie de coton. En général, il se place juste derrière la porte des toilettes, à gauche de la scène, ignorant le risque majeur de se la prendre en pleine tronche. Mais l’ivrogne a toujours de la chance : Bacchus le garde à l’œil.Deux morceaux plus loin, l’ivrogne reprend du poil de la bête. Se ravitailler d’abord, puis danser en tournant sur lui-même, son verre de bière rempli (pour pas longtemps) à rabord. Ce faisant, il heurte bien quelques personnes, comme à ce concert de Bashung il y a plus de quinze ans où je fus la seule heurtée par l’ivrogne du moment. Mais son seuil de sensibilité étant inversement proportionnel à son taux d’alcool, il ne remarque rien, pas plus le fait que ses voisins soient copieusement arrosés par la bière s’agitant selon le principe de Coriolis. Il n’y a qu’à la vue (brouillée mais le port de lunettes n’améliorerait pas la situation) d’une femme seule qu’il tente d’organiser le parcours de sa danse. D’erratique, elle devient ondulante, serpentant autour de la dame en question . Un large sourire et des œillades que lui seul considère comme aguichantes font partie de la panoplie de l’ivrogne séducteur. L’alcool lui ayant fait perdre toute inhibition quant à son mètre soixante, talonnettes comprises, il n’hésite pas à s’attaquer à beaucoup plus grande que lui.Le mépris ou l’indifférence affichée par sa proie le repousse vers la scène où Personne termine son concert en beauté, sur de longs riffs de guitare. L’ivrogne se sent alors investi par une tâche majeure : sonner le rappel. C’est donc avec ses copains, ou sans s’il est venu seul, qu’il commence à sauter sur le plancher avec une seule idée : le casser. Il le hurle d’ailleurs à ses voisins en même temps . Les efforts conjugués de l’ivrogne et du reste de la salle font revenir Personne qui exécute un second set, puis un troisième après le second rappel.Quand le concert est fini, l’ivrogne est en transe. Mais la nuit ne saurait s’arrêter après autant d’émotions. Sa connaissance du quartier le fait se diriger vers un bar où il a ses habitudes. D’une démarche titubante évidemment.Ah quel beau concert !
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