L'idée
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Source : Le blog de moi 
Rien de nouveau sous le soleil.
Ce documentaire ne nous apprend pas grand chose en fait. Du moins rien qu’on ne savait déjà nous Antillais, nous Martiniquais (puisque pour le coup le documentaire de Romain Bolzinger nous concerne en premier lieu). Aussi choquante que puisse être la main mise de cette minorité oligarchique sur l’économie de l’île - 400 ans après l’arrivée de Jean Assier, leur ancêtre commun, sur l’île - via des stratégies, des appuis et des réseaux eux aussi parfaitement connus. Les collusions politiques ? Qui les ignoraient ? Nous parlons de pouvoir et qui plus est de pouvoir économique… le politique n’est jamais bien loin et nul n’assoie et ne fait perdurer une telle domination sans protection soutien hauts placés (nationaux comme locaux qu’on se le dise). On dit “lobbying” pour faire plus poli de nos jours là où corruption irait tout aussi bien. Le chlordécone ? La non-application du principe de précaution pour défendre des intérêts économiques ? Condamnable mais pas étonnant. Excusez-moi mais c’est du grand classique et cette prorogation arrangeait tout le monde à l’époque; pas seulement les planteurs békés même si j’en fait les frais chaque fois que je bois l’eau du robinet. Rien de nouveau donc.
Il se trouve que cette élite socio-économique, comme il en existe tant d’autre dans le monde , soucieuse de ses intérêts, a donc en plus voulu “préserver la race”. Pourquoi pas. Les mêmes familles (100 familles de nos jours soit 2 à 3 000 personnes) se mariant entre elles depuis 400 ans… c’est plutôt inquiétant si vous voulez mon avis… Pardon ? Consanguinité ??? Ké sa ko ?? Bref.
Mais là où la bât blesse et il n’a pas manqué de blessé c’est que dans un “département rongé par les inégalités et les rancoeurs post-coloniales” (comme je l’ai lu je ne sais plus où) Alain Hugues Despointes, béké de son état, se laisse aller à ce point face caméra.
Acte 1:
Journaliste (en voix off):
La Révolution passée, la Martinique devient française. Les planteurs békés continuent à employer des esclaves : au total, plus de 700 000 Africains ont été déportés dans les Antilles françaises, un crime contre l’humanité reconnu par la loi en 2001, un crime qui n’est toujours pas admis par la communauté békée.
Alain Huygues Despointes:
Les historiens exagèrent un petit peu les problèmes. Ils parlent surtout du mauvais côté de l’esclavage mais il y a des bons côtés aussi. C’est là où je ne suis pas d’accord avec eux.
Journaliste :
C’est quoi, les bons côtés de l’esclavage ?
Alain Huygues Despointes:
Il y a des colons qui étaient très humains avec leurs esclaves. Qui les ont affranchis… Qui leur donnaient des possibilités d’avoir un métier, des choses…
Où l’on retrouve presque les bons côtés de la colonisation…
Acte 2:
Journaliste (en voix off après un aparté où est diffusé un document ORTF de 1960 où un ancêtre de Bernard Hayot parle des békés en tant que “descendants des blancs européens qui se sont reproduits en race pure dans les colonies” quelques secondes après avoir traités les noirs de bons sauvages “Le noir, c’est comme un enfant: il faut être juste. On en obtient ce qu’on veut”).
48 ans plus tard, le discours n’a pas vraiment changé. Aujourd’hui encore, la pureté du sang est un critère d’appartenance à la communauté.
Alain Huygues Despointes:
Quand je vois des familles métissées, avec des blancs et des noirs, les enfants naissent de couleurs différentes. Il n’y a pas d’harmonie. Il y en a qui naissent avec les cheveux comme moi, et d’autres avec des cheveux crépus dans la même famille, avec des couleurs de peau différentes. Moi, je trouve pas ça bien. On a voulu préserver la race.
Et là les 1% de la population possédant 52% des terres agricoles, 40% de la grande distribution, 50% du commerce d’importation alimentaire, 90% de l’industrie agro-alimentaire… qui avait déjà du mal à passer, ne passent plus du tout. Mais plus du tout. Etre économe de son mépris je veux bien mais il y a des limites. C’est juste la goutte d’eau . C’est une chose de savoir, d’avoir toujours su. S’en est une autre de l’entendre (même si je reste persuadé qu’il est un peu facile de tout leur mettre sur le dos concernant tout ce qui va de travers sur l’île).
Et ça Alain Huygues Despointes le sait apparemment vu ce communiqué:
“Canal Plus a diffusé le 30 janvier un document intitulé « Les derniers maîtres de la Martinique ».
Le journaliste qui l’a réalisé m’a interviewé, comme d’autres, prétextant une enquête sur l’économie de la Martinique.
Je ne suis pas homme de media et je ne sais pas comment le montage de ce film a été réalisé mais je suis très surpris du mode opératoire et de la déontologie suivie.
C’est pourquoi je tiens à faire savoir et à préciser :
que je n’ai pas attendu ce journaliste pour témoigner de ce que je ne suis absolument pas nostalgique d’un passé honni,
que les propos diffusés ne reflètent en rien mes convictions profondes,
que le journaliste les a repris en les sortant de leur contexte car je parlais du « passé » et de l’approche patriarcale de cette époque,
que la période de l’esclavage est une tache sombre de l’histoire de nos îles et que je n’ai que mépris pour tous ceux qui tentent de diviser notre population en rouvrant des cicatrices,
que dès 1998, j’ai signé une pétition publique reconnaissant l’esclavage comme crime contre l’humanité, ce pourquoi je participe depuis aux commémorations du 22 Mai,
que ma pratique professionnelle est la meilleure preuve de mon engagement pour une Martinique plurielle, respectueux de toutes ses composantes, et cette posture morale m’impose de refuser toute polémique y compris avec ce journaliste .
Enfin, je tiens à présenter mes sincères regrets à tous ceux qui ont été ou qui pourraient être blessés lors de la diffusion de ce document.
Alain H. DESPOINTES“
Et là, j’avoue que je suis intriguée. Un démenti ??! Depuis quand ? J’ai beau réfléchir, la balle est plus dans leur camp que dans le nôtre (même si certains s’insurgeront et gesticuleront avant d’aller dîner tranquillement avec eux parce que business is business). A moins que les mouches aient changé d’âne et qu’on soit moins conciliant en haut lieu. C’est une interrogation. Les récentes déclarations d’Yves Jégo quant à son “incompréhension” face à l’opacité des prix pratiqués aux Antilles sonnent quand même comme des désaveux, non ? Nos békés locaux étaient très proches de la Chiraquie… la Sarkozie n’est peut-être pas terre de cocagne.
Bref. Monsieur Huygues Despointes dit qu’il y a eu manipulation. Pourquoi pas ? Les rushs du documentaire sont certainement disponibles. Il peut s’avérer relativement simple de “laver son honneur” (si affront il y a eu).
Sauf que ça ne changera pas grand chose à notre réalité à nous Martiniquais lambdas. Le problème demeure entier: comment casser ce monopole économique sans dérégler l’économie (je veux dire plus qu’elle ne l’est déjà) ? Les solutions je ne les aient pas. Je reste persuadée qu’elles sont politiques et judiciaires. Il y a des lois contre les monopoles; lois qui ne sont pas appliquées aux Antilles ! Seule consolation, les événements en Guadeloupe tendent à montrer que les choses peuvent bouger… Erm. Petite précision: en disant ça je ne pense pas à plusieurs mois de grève qui auraient le but inverse de celui recherché à savoir achever l’économie (elle est déjà à genoux).
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