L'idée
Ce blog regroupe les articles publiées par des bloggeuses. Inscrivez-vous pour pouvoir ajouter des weblogs à la liste des weblogs tenus par des femmes qui ne sont pas des suivi de vie/journaux intimes.Les tribulations de Google en Chine
Source : Irène Delse, un blog d'écrivain
MAJ du 13/02 : l'association anglaise Students For a Free Tibet appelle les internautes à manifester leur désapprobation à Google le 14 février (St Valentin) pour protester contre leur coopération avec Pékin. Un boycott de Google est-il possible ? Le site NoLuv4Google.com propose des alternatives pour la recherche sur Internet , les blogs, etc. Plus des infos, des bannières et boutons, etc. La devise de l'entreprise est "Don't be evil". Maintenant, il s'agit de payer d'exemple.
Le portail de recherche Google bloqué par le gouvernement chinois ! (Source : Infos du Net.) Et ce malgré les très realpolitiques efforts de la firme américaine pour mettre son moteur en conformité avec les exigences en matière de censure du régime de Pékin !
Eh oui, le filtre de Google .cn avait des trous : il suffisait de taper les requêtes "brûlantes" (Tibet, démocratie, Tiananmen, Falung Gong...) en capitales pour afficher les résultats non filtrés. En somme Google .cn comportait un défaut à sa cuirasse, intentionnellement ou non.
Inutile de dire que les autorités chinoises ne badinent pas avec ce genre de subtilités. Un régime qui fait routinièrement exécuter des "trafiquants de drogues" et autres indésirables en public d'une balle dans la nuque (balle dont on réclame le coût à la famille du condamné), qui fait tirer sur la foule lors de manifestations pacifiques, qui occupe militairement le Tibet voisin, qui ne se préoccupe de la pollution, des accidents industriels et des épidémies que lorsque les morts se comptent par dizaines, un régime de ce genre, en bref, n'est pas vraiment porté au respect de ses citoyens.
Moteur de recherche spécial filtre
Bref, Google , après Yahoo! et MSN (il ne faudrait pas non plus oublier ces grands humanistes du tiroir-caisse...), était devant un choix crucial : passer sous les fourches caudines de Pékin ou renoncer pour une période indéterminée à s'implanter sur le marché chinois. Certes, avec déjà 100 millions d'internautes, à un cheval chinois près, c'est plutôt alléchant comme base de consommateurs. Surtout que le moteur de Google partait d'assez bas, par rapport au moteur made in China Baidu.com...
Jusque là, Google était le seul grand moteur de recherche occidental à ne pas collaborer avec la censure, et ceci expliquait peut-être cette (relative) faiblesse en parts de marchés. La version américaine, Google .com, hébergée depuis les Etats-Unis, était en effet disponible en Chine, en langue chinoise comme en anglais. Les autorités de Pékin surveillaient de près Google , bloquant parfois l'accès au site à partir du réseau Internet chinois, et filtrant certaines sources de Google News. Google n'avait pas l'exclusivité de cette censure, comme le prouvent les mésaventures de Wikipedia. Vous avez dit "participation de la population chinoise à la construction de leur pays" ?
N'empêche que les internautes chinois pouvaient avoir accès via ce portail à des informations non formatées par les autorités, au prix de quelques précautions pour eux-mêmes. (Le gouvernement surveillant le réseau, il est prudent en Chine comme en Iran ou en Syrie, pour citer quelques exemples, de surfer de façon anonyme. Voir le Guide pratique du blogueur et du cyberdissident de Reporters Sans Frontières.)
Très cher gateau impérial
Ah ouiche, c'était trop beau, et le gateau chinois trop tentant. Google a donc viré sa cuti, mis des filtres sur son moteur de recherche en échange de la précieuse extension ".cn"... Avec l'excuse plus ou moins boiteuse qu'il faut se conformer aux règles des différents pays où ils implantent leurs filiales. C'est ainsi que Google se paie le luxe de résister aux pressions du gouvernement américain lorsque celui-ci cherche à accéder aux bases de données concernant les informations cherchées par les internautes. (Sous des prétextes un peu fumeux de lutte contre le terrorisme, bien sûr. Il faut croire que les terroristes n'ont jamais entendu parler d'un proxy...) Mais en Chine, pas d'états d'âme : les informations sont une chose trop sérieuse pour être données au peuple. Voir cet intéressant jeu des différences entre Google .com et Google .cn.
Bref, Google a sérieusement écorné son image auprès des occidentaux et des démocrates en général pour... pour quoi, au fait ? Le blocage intempestif de Google .cn "spécial filtre" montre bien qu'il n'est pas facile de satisfaire Pékin, fort de son milliard (et 200 millions) de consommateurs, capable de dicter des conditions draconiennes autant qu'il veut.
C'est à vous dégoûter de collaborer avec les dictatures, tiens...
Taper au portefeuille, encore et toujours
Que fera Google , maintenant ? La balle est dans leur camp. Hypothèse optimiste (sans doute trop) : jeter l'éponge, laisser tomber Google .cn et laisser la censure à la concurrence. Quoi, le moteur en G n'aura pas en Chine de position dominante, comme dans le reste du monde ? Eh bien, justement, il a déjà le reste du monde ! Laissez donc briller la petite lanterne de Google .com en chinois non filtré, en comptant sur le bouche à oreille et le soutien de Taiwan (petit mais riche...) et de la diaspora chinoise. Qui sait, si Google est incontournable dans le reste du monde , peut-être que c'est la Chine qui viendra à lui...
Hypothèse pessimiste (mais terre à terre) : sauver à tout prix Google .cn, faire le ko-teou devant les hiérarques de Pékin, renforcer le filtre, trier les requêtes d'après l'adresse IP... et soigner son bilan de fin d'année pour le NASDAQ. Ouais, c'est sûr, c'est tentant. Si les chinois veulent la liberté de l'information, ils n'ont qu'à s'exiler. On est une world company sans âme ou on ne l'est pas.
En attendant, et puisque Google vit largement de la publicité, internautes et blogueurs appellent au boycott du programme AdSense, qui permet aux webmestres de financer leurs sites grâce à des encarts de pub interactive qui s'y affiche, et que Google vend aux annonceurs. On verra à quoi tient le plus la firme aux gros yeux ronds.
Aux USA, des élus et des associations se mobilisent pour demander aux entreprises occidentales de haute technologie de ne pas collaborer avec la censure en Chine. Et RSF propose (cf. PC-Impact) des mesures ciblées pour les entreprises et associations occidentales qui ne veulent pas cautionner la censure d'Etats dictatoriaux. Entre autres choses, évitez d'y situer vos serveurs... Afin de ne pas les laisser censurer vos courriels et vos pages web.
P.S. Les liens publicitaires en haut et à droite de ce blog sont fournis par Yahoo!, qui ne cherche plus depuis lurette à se faire passer pour autre chose qu'une machine à sous. Et encore, ils devraient disparaître bientôt. Patience...
P.S. (bis) Quelques heures plus tard, Google .cn était de nouveau disponible sur le territoire chinois. Pas de commentaires des dirigeants de Google mais on note que le portail n'est resté hors-ligne que le temps de mettre leur filtre en conformité avec la censure de Pékin.
P.S. (ter) Le 21/02/06, le correspondant de Libération à Pékin confirme les problèmes de Google avec les autorités chinoises. Selon deux journaux économiques proches du pouvoir, le moteur de recherche a le tort... de prévenir les internautes que certains contenus sont filtrés ! Moralité, les dictateurs ne sont jamais satisfaits. Plus on leur en donne, plus ils en veulent.
"Aim high. You may miss, but at least you won't shoot your foot off."
-- Lois McMaster Bujold