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Lettre LXXXI de La Marquise de Merteuil au Vicomte de Valmont

Publié par [moi] le Samedi 8 Mars 2008, 15:19 dans la rubrique Bric à brac - Version imprimable

Source : Technorati

Technorati, 20 septembre 17**. Que vos craintes me causent de pitié ! Combien elles me prouvent ma supériorité sur vous ! et vous voulez m’enseigner, me conduire ! Ah ! mon pauvre Valmont, quelle distance il y a encore de vous à moi ! Non, tout l’orgueil de votre Technorati ne suffirait pas pour remplir l’intervalle qui nous sépare. Parce que vous ne pourriez exécuter mes projets, vous les jugez impossibles ! Etre orgueilleux et faible, il te sied bien de vouloir calculer mes moyens et juger de mes ressources ! Au vrai, Vicomte, vos conseils m’ont donné de l’humeur, et je ne puis vous le cacher. […] Et qu’avez-vous donc fait, que je n’aie surpassé mille fois ? Vous avez séduit, perdu même beaucoup de femmes: mais quelles difficultés avez-vous eues à vaincre ? quels obstacles à surmonter ? où est là le mérite qui soit véritablement à vous? Une belle figure, pur effet du hasard; des grâces, que l’usage donne presque toujours; de l’esprit à la Technorati, mais auquel du jargon suppléerait au besoin; une impudence assez louable, mais peut-être uniquement due à la facilité de vos premiers succès; si je ne me trompe, voilà tous vos moyens: car pour la célébrité que vous avez pu acquérir, vous n’exigerez pas, je crois, que je compte pour beaucoup l’ Technorati de faire naître ou de saisir l’occasion d’un scandale. […]

Croyez-moi, Vicomte, on acquiert rarement les qualités dont on peut se passer. Combattant sans risque, vous devez agir sans précaution. En effet, pour vous autres hommes, les défaites ne sont que des succès de moins. Dans cette partie si inégale, notre fortune est de ne pas perdre, et votre malheur de ne pas gagner. Quand je vous accorderais autant de talents qu’à nous, de combien encore ne devrions-nous pas vous surpasser, par la nécessité où nous sommes d’en faire un continuel usage ! Supposons, j’y consens, que vous mettiez autant d’adresse à nous vaincre que nous à nous défendre ou à céder, vous conviendrez au moins qu’elle vous devient inutile après le succès. Uniquement occupé de votre nouveau goût, vous vous y livrez sans crainte, sans réserve: ce n’est pas à vous que sa durée importe. En effet, ces liens réciproquement donnés et reçus, pour parler le jargon de l’amour, vous seul pouvez, à votre choix, les resserrer ou les rompre: heureuses encore, si dans votre légèreté, préférant le mystère à l’éclat, vous vous contentez d’un abandon humiliant, et ne faites pas de l’idole de la veille la victime du lendemain ! Mais qu’une Technorati infortunée sente la première le poids de sa chaîne, quels risques n’a-t-elle pas à courir, si elle tente de s’y soustraire, si elle ose seulement la soulever? Ce n’est qu’en tremblant qu’elle essaie d’éloigner d’elle l’homme que son cœur repousse avec effort. S’obstine-t-il à rester, ce qu’elle accordait à l’amour, il faut le livrer à la crainte: Ses bras s’ouvrent encor quand son cœur est fermé. Sa prudence doit dénouer avec adresse, ces mêmes liens que vous auriez rompus. A la merci de son ennemi, elle est sans ressource, s’il est sans générosité; et comment en espérer de lui, lorsque, si quelquefois on le loue d’en avoir, jamais pourtant on ne le blâme d’en manquer ? Sans doute vous ne nierez pas ces vérités que leur évidence a rendues triviales. Si pourtant vous m’avez vue, disposant des événements et des opinions, faire de ces hommes si redoutables les jouets de mes caprices ou de mes fantaisies; ôter aux uns la volonté de me nuire, aux autres la puissance; si j’ai su tour à tour, et suivant mes goûts mobiles, attacher à ma suite ou rejeter loin de moi ces tyrans détrônés devenus mes esclaves; si, au milieu de ces révolutions fréquentes, ma réputation s’est pourtant conservée pure, n’avez-vous pas dû en conclure que, née pour venger mon Technorati et maîtriser le vôtre, j’avais su me créer des moyens inconnus jusqu’à moi ? Ah! gardez vos conseils et vos craintes pour ces femmes à délire, et qui se disent à sentiments, dont l’imagination exaltée ferait croire que la nature a placé leurs sens dans leur tête; qui n’ayant jamais réfléchi, confondent sans cesse l’amour et l’amant; qui, dans leur folle illusion, croient que celui-là seul avec qui elles ont cherché le plaisir en est l’unique dépositaire; et, vraies superstitieuses, ont pour le prêtre, le respect et la foi qui n’est dû qu’à la divinité. Craignez encore pour celles qui, plus vaines que prudentes, ne savent pas au besoin consentir à se faire quitter. Tremblez surtout pour ces femmes actives dans leur oisiveté, que vous nommez sensibles, et dont l’amour s’empare si facilement de toute l’existence; qui sentent le besoin de s’en occuper encore, même alors qu’elles n’en jouissent pas; et s’abandonnant sans réserve à la fermentation de leurs idées, enfantent par elles ces lettres brûlantes, si douces, mais si dangereuses à écrire; et ne craignent pas de confier ces preuves de leur faiblesse à l’objet qui les cause: imprudentes, qui dans leur amant actuel ne savent pas voir leur ennemi Technorati ! Mais moi, qu’ai-je de commun avec ces femmes inconsidérées ? Quand m’avez-vous vue m’écarter des règles que je me suis prescrites et manquer à mes principes ? je dis mes principes, et je le dis à dessein: car ils ne sont pas, comme ceux des autres femmes, donnés au hasard, reçus sans examen et suivis par habitude; ils sont le fruit de mes profondes réflexions; je les ai créés, et je puis dire que je suis mon ouvrage.” (”Les liaisons dangereuses“, Choderlos de Laclos, 1782) La lettre dans son intégralité ici et un commentaire très intéressant là.


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