L'idée
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Source : Le blog du bouchon
Le petit café où j'aimais emmener mes charmants prendre un café-croissant a changé de propriétaire. Partie, la jeune femme au look affiché entre new-wave et punk qui n'écoutait que des standards des années 80 ! A la place, un cafetier comme on en trouve dans tous les villages de France . Qu'il s'appelle Robert ou Ibrahim, il a cet aspect indéfinissable de l'homme vissé derrière le comptoir, entre le lavabo et la machine à café. Petit, sec, mais il pourrait tout aussi bien être rondouillard, il parle peu, se contentant d'agrémenter les remarques de ses clients de quelques phrases bien senties, du genre "Ah oui !", "Non ! Pas vrai", ...La populace CSP+ s'installant dans le coin n'aime pas plus venir qu'avant, préférant le café philo à gauche ou le café branché à droite.Trois bonzes-hommes au bar, dont deux sont là pour vitrifier le parquet, ce qu'ils font en dix minutes, une fois leur bière terminée. Juste avant qu'ils ne repartent, leur rouleau de vitrification remis dans un sac plastique noir, entre un petit vieux. Il s'assoit sous un poster de Che Guevarra menant une armée à la bataille, commande un café et allume une cigarette. Des cris d'enfants retentissent, provenant probablement de l'immeuble en face visible par la fenêtre ouverte sur la cour commune.Et brusquement, c'est le silence. Le petit vieux n'avait pas prévu ça. Le petit pet qu'il lâche remplit l'espace. Aucune des quatre personnes présentes ne bronche. Le parquet sèche tandis que seuls s'entendent les bruits des pages tournées, troublant un silence toujours absent de ce genre d'endroit. Le client debout s'en va tellement discrètement que personne ne le remarque. Derrière la vitrine, le patron regarde la rue.Entre un barbu, la cinquantaine tout juste entamée. En trois minutes, il imite les cadors de la présidentielle ("le pédé, la connasse, l'âne bâté et le vieux con qui ne peut faire trois pas sans sa canne"), raconte comment il a failli se faire piquer sa copine , une Madrilène qui ressemble à une Eurasienne, par un autre, et se rappelle les années minitel avec une forte présence des femmes de gendarmes, délaissées par leur époux. Personne ne lui répond, pas même le patron.Les mots du magazine dansent devant les yeux, ne voulant se laisser capter par un cerveau distrait par ce verbiage bruyant. Je sens que le petit vieux voisin est lui aussi troublé dans sa lecture.Il descend à l'étage en dessous. Je vais payer. Le patron a l'air tout contrit de cette intervention ; il s'en excuse presque. Un sourire et je pars, mon caddie rempli de poissons, de fromages, de légumes et fruits, et de poulet fermier sorti de derrière les cageots. Haut de page