L'idée
Ce blog regroupe les articles publiées par des bloggeuses. Inscrivez-vous pour pouvoir ajouter des weblogs à la liste des weblogs tenus par des femmes qui ne sont pas des suivi de vie/journaux intimes.Temps suspendu (bis repetita)
Source : Le blog de moi
11 septembre 2009. Une date en ligne de mire. Nous sommes en plein compte à rebours et bizarrement mon humeur tend à se dégrader au fur et à mesure de l’approche de ce qui peut devenir une date fatidique clé. Je crois que le plus difficile reste de ne pas savoir à quelle sauce nous allons être mangé. Ni même si nous allons être mangé ! Parce que même si subrepticement finalement nous sommes passé d’un mot d’ordre de grève générale à meeting de rentrée – en présence de stars LKPiennes (Elie Domota en tête) – connaissant les idées et les méthodes de nos syndicats notre collectif je ne suis pas sûre que, quelque soit le nombre de participants/sympathisants/présents, cette dernière ne soit pas considérée comme un franc succès… entérinant du coup un mot d’ordre de grève générale. Le résultat aurait alors des airs de déjà vu : une île au bord de la crise de nerfs parce que bloquée par une minorité. Le pire c’est que je les crois capables, même si leur appel à la mobilisation n’est pas entendu, de décréter la grève générale sur les bases de… la mobilisation populaire de début février j’ai nommé “nous-avons-la-légitimité-du-peuple-martiniquais-for-ever“. Et pour la première fois de ma vie (Dieu seul sait que la Martiniquaise que je suis en a vu des conflits sociaux durs, grève des banques de 1995 en tête) cette idée génère en moi stress et appréhension. Ce matin le début d’une tribune de Alic Assad sur DOMactu, rend un peu compte de mon état d’esprit : “Pourrons nous travailler, emmener nos enfants à l’école, visiter nos proches, circuler tout simplement ? Serons-nous à nouveau pris en otage ? Doit-on constituer des stocks de nourriture, de carburant, de médicaments ? Devons-nous arrêter d’acheter, d’investir pour l’avenir ?” (Alic Assad, En attendant le 11 septembre, vaquons à nos occupations) Sa première tribune sur le sujet était également très intéressante et d’une certaine justesse même si on peut lui reprocher (dans les deux cas) parfois de tomber dans une exagération qui nuit à son propos en le rendant partisan. Chacun a, bien sur, eu son vécu et son histoire avec cette grève de février (d’ailleurs il y a une mythologie pro-mouvement qui se développe à ce propos qui est extrêmement intéressante à regarder prendre forme) mais faisant, pour le coup, partie des Martiniquais lambdas (comprendre “pas de copain(s) gérant de station service/pêcheur/maraîcher/docker/syndicaliste membre influent du C5F ou pas la possibilité de quitter l’île pour me ravitailler”) la psychose est sur le point d’avoir raison de mes nerfs. Mes questions existentielles du moment rassemblent donc effectivement à celles tirées de la tribune citée ci-dessus à une question non abordée près : dois-je me rapprocher d’un magasin de vente au gros pour me ravitailler en alcool divers ? Parce que dans ce genre de moments toute aide est la bienvenue… Certains lui reprocheront son parti-pris, son ton alarmiste ou le traiteront de pompier-pyromane mais autour de moi j’observe soit ce type d’interrogation nappé d’impuissance (et c’est là que le bât blesse mais j’y reviendrai) soit un déni une foi inébranlable en la santé mentale dans le bon sens des membres du C5F (”mé non, lé mésié pa fou piès yo pé ké rikoumancé menm’ vakabonajeri-a !” – je rappelle que la situation en Guadeloupe et en Martinique n’était pas tout à fait la même) à l’heure où les mauvaises nouvelles économiques sont légion. Vous m’excuserez mais il se trouve qu’à part sur certains forums antillais, je ne connais aucun partisan du durcissement de la lutte pour mettre le grand patronat béké et l’Etat au pas quoiqu’il en coûte coûte que coûte parce que ”Matinik sé ta nou, sé pa ta yo”. De là à dire que ce mouvement n’a pas de sympathisants dans l’île notamment, il y a un pas que je ne franchirais pas par contre mais combien sont-ils ? Sont-ils représentatifs de la population martiniquaise dans son ensemble ? Mieux : la rue doit-elle gouverner et à partir de combien de personnes les idées qui y sont portées doivent-elles prendre le pas sur l’appareil d’Etat d’une île sensée être sous un régilme démocratique comme ça a été le cas au début de l’année ? Que pouvons-nous tolérer d’un groupe de pression quel que soit la teneur et la légitimité de ses revendications ? Beaucoup apparemment. Nous citoyens martiniquais avons une capacité à nous effacer, moi la première, qui me rend quelque peu admirative des Calédoniens (même si le contexte est différent je tiens à le souligner). Où peut-être sommes-nous échaudés ? Il y a une autre explication qui tient au sentiment de fierté généré par l’ampleur sans précédent des manifestations engendrées par les revendications légitimes portées par le mouvement. Du poids du symbole de l’Antillais Révolté (de celui qui n’accepte plus n’importe quoi et que l’on respectera dorénavant ?). Quelle est sa part (de ce sentiment de fierté retrouvée) dans l’adhésion presque sans bémol de la majorité de nos intellectuels quitte à faire fi de leur esprit critique quant à la face sombre du mouvement et à signer un chèque en blanc à ceux qui sont à leur origine. Quelle est sa part dans l’adhésion des politiques au delà de la complaisance et du calcul électoraliste (après tout ces gens dans la rue voteront un jour ou l’autre, non ?). Quelle est sa part chez chacun d’entre nous ? Il faudrait s’interroger sur le pourquoi des revendications de justice économique et sociale sont brusquement devenues synonymes de revendications politiques autres comme si être pour une légitime baisse des prix signifiait nécessairement vouloir une révolution marxiste-léniniste quant aux méthodes pour y parvenir. Nous sommes d’accord, la solution est politique mais il faudrait peut-être que ceux qui nous gouvernent localement prennent leur responsabilités… avant de demander plus de pouvoir(s) par exemple. A l’heure où Eric Le Boucher, se targue d’une conscientisation des masses qui enlevé toute substance au discours d’extrême gauche alors que la crise aurait dû le voir triompher ici histoire et insularité font que les choses sont un peu plus nuancées. Pour le meilleur ou pour le pire ? On le saura bien assez tôt… Ah. Les rayons de la supérette du coin débordent de toutes parts comme jamais. “Le Chinois” est-il bien informé ou prévoyant ?