L'idée
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Source : Le blog du bouchon 
© Nasa
Ce samedi soir, sous une lune dont les rondeurs rivalisent avec la couleur blonde, je m’interroge sur cette ville où j’ai laissé des éclats de vie. Que vais-je y retrouver ? Qui vais-je y retrouver ? Comment vais-je les retrouver, ces amis qui y ont poursuivi leur chemin ? Et comment vais-je m’y retrouver, avec ces pensées qui ce soir engorgent tous les recoins de ma mémoire. Ma vision s’est figée un lointain samedi soir, alors que le contact ne fut jamais rompu avec ceux et celles dont je me sentais si proche. D’autres souvenirs me reviennent. Ce long soupir au téléphone par deux petites filles quand j’ai prononcé le prénom de ma fille ; de leur amie, leur souvenir était intact deux ans après.Cette amitié naissante mais jamais entérinée avec cette autre mère, témoin de Jéhovah ; mon sursaut quand elle m’en avait informé, moi l’athée confirmée, ma lecture française puis américaine de son choix. Ces visions si différentes de la religion de l’autre, entre une république qui s’est bâtie sur la laïcité et une nation d’états dont les piliers se trouvent dans les textes des pères fondateurs.Ce couple, lui suisse allemand, elle chinoise, dont le premier enfant découvrait sa puissance en communauté et une troisième langue. Leur regard de chercheurs sur cette société, de leur manière de vivre leurs cultures propres au sein d’une culture d’adoption.Cette directrice de crèche qui me conseillait sans jamais me juger, cette médecin belge dont nous avons encore la peluche sponsorisée par un laboratoire, cette nourrice portoricaine qui nous avait invités pour les 16 ans de sa fille dans le Bronx, ce couple russe avec lesquels nous avions une garde partagée ; leur fille redevenue normale au bout d’un an. Cette nuit où, trois semaines après notre arrivée, les 41°C du bouchon nous ont amenés en courant à l’hôpital le plus proche ; l’interne préférait interner le père plutôt que l’enfant devant son énervement à convertir, calculette à l’appui, les degrés Celsius en degrés Farenheit.Cette photo reçue un an plus tard, qui montrait un panneau de photos dans ce qui fut mon ancien bureau, où pendouillait l’un de mes badges de presse, souvenir ténu d’ambiances studieuses ou délirantes selon l’heure du bouclage. En deux ans, New York la cosmopolite m’a plus appris sur les ghettos ethniques, le bi- et trilinguisme chez les jeunes enfants, les préjugés raciaux ou sociaux, la relation si particulière avec la France qu’ont les Américains, la notion de travail unique ou multiple, que 33 ans de vie à ce moment. Elle m’en a plus appris sur moi-même et sur le couple que nous formions à l’époque, que dix ans de vie commune. Vivre à l’étranger m’a aussi permis de déterminer les éléments fondateurs de ma culture française et de poser un regard différent sur mon pays. Douleurs, rires, douceurs, amertume, images, sons, odeurs. Tant de pensées qui me reviennent en vrac et en pagaille. Face à cette multitude, je suis perdue. Je ne comprends pas ce qui a changé en moi depuis mon retour. J’ai perdu le lien entre là-bas et ici. Qu’ai-je laissé là-bas ? Qu’ai-je fait de ma vie ici ? La lune ronde et blonde qui surplombe encore Paris ce soir, sera à New York d'ici quelques heures. Il faut que je suive la lune.
© Nasa
July 25 – August 8 Haut de page