L'idée
Ce blog regroupe les articles publiées par des bloggeuses. Inscrivez-vous pour pouvoir ajouter des weblogs à la liste des weblogs tenus par des femmes qui ne sont pas des suivi de vie/journaux intimes.La luette déglinguée
Source : Le blog du bouchon
Nous nous endormons. Tendrement, il m'entoure de ses bras et pose sa tête sur la mienne. Hormis le fait qu'il soit plus lourd que moi, ceci pourrait passer pour une scène banale de deux amants en plongée directe dans l'univers de Morphée.En posant sa tête au-dessus de la mienne, il avait (inconsciemment?) placé sa bouche près de mon oreille gauche. Au bout de quelques minutes, j'entends un délicat ronronnement. Tiens, pensais-je, le chat dont j'ai la garde a réussi à rentrer dans la chambre. Mais le ronronnement se fait plus fort, insistant. Je finis par réaliser que le charmant à mes côtés débutait un ronflement qu'il n'avait pas laissé entrevoir les premières nuits.En bonne ex-scientifique, j'envisage toutes les possibilités et fais un mémo sur les situations identiques vécues dans le passé. Mon expérience est pauvre en la matière ; je n'ai jamais partagé ma couche avec un ronfleur. Un souvenir très ancien remonte à la surface de mes plis cérébraux : trois gamines dans la même chambre que leurs parents au ski, réveillées par le ronflement sonore du paternel. Deux des gamines se lèvent, prennent un verre d'eau , et vont y tremper le petit doigt du ronfleur impénitent. Croyance d'un autre temps qui se révèle totalement inutile. Alors les gamines commencent à secouer, d'abord doucement puis plus violemment, ce grand corps agité de ce borborygme affreux. En l'occurrence, il ne s'agit pas d'un borborygme, bruit provoqué selon le TILF (trésor informatisé de la langue française) par le déplacement des gaz ou des liquides contenus dans l'intestin. La réaction du paternel, toujours endormi, fut immédiate : il envoya valser à travers la pièce ces naines qui lui volaient son sommeil.Ne voulant pas revivre cette expérience traumatisante, et ayant une pensée émue pour celle qui partagea la couche du paternel pendant ces dizaines d'années, je tentais de me dégager. Peine perdue, le ronfleur était affectueux pendant son sommeil et tenait absolument à me garder dans ses bras.Ma nuit fut courte, et c'est l'oeil glauque que j'arrivais exceptionnellement tôt à la rédaction le lendemain matin. Car le charmant est aussi un être matinal. Décidant de prendre le taureau par les cornes (ceci est à prendre au sens figuré), je passais chez le pharmacien du quartier, un homme austère que je n'ai jamais vu sourire.
- Je voudrais quelque chose pour mettre dans les oreilles, lui annonçais-je.
La brièveté de la nuit rendait mon élocution difficile et tendait à rallonger le temps nécessaire pour trouver les mots justes : des bouchons. Le pharmacien commença par me proposer des gouttes, mais se ravisa, voyant ma mine renfrognée.
- Je dors depuis peu avec un ronfleur, lui précisais-je, toujours incapable de me souvenir de ce nom devenu générique: boues Quies.
Il éclata de rire.
- Je peux vous donner l'adresse de l'armurier du quartier, me répondit-il. - Ah non, c'est que mon ronfleur a encore une utilité certaine ! Vous n'auriez pas une méthode plus, comment dire, douce ? Comme le truc qu'on met dans les oreilles.
Second éclat de rire de sa part, un événement dans le quartier. Je repars avec des bouchons en mousse, deux paires devant faire l'affaire.Le soir, c'est donc avec un bouchon dans chaque oreille que j'entamais le parcours du combattant. Les bouchons dépassaient légèrement, me faisant penser à du persil dans les oreilles d'un cochon en train de rôtir. Première partie de la nuit correcte, avec un charmant toujours ronfleur et affectueux, mais dont la nuisance sonore avait diminé de moitié. A trois heures du matin, j'entends de nouveau 'ron ron', puis sent quelque chose me lécher la main. Le chat, trouvant le temps long entre deux gamelles, s'était infiltré jusqu'au lit pour réclamer une pitance qu'il ne reçut jamais, à l'inverse de l'oreiller qu'il évita de justesse. Alors que je tentais de retrouver Morphée, je m'aperçus que le ronflement de mon voisin, de nouveau affectueux, avait retrouvé ses décibels initiaux. Diantre ! Un persil bouchon avait sauté, et s'était perdu dans les plis des draps.C'est donc l'oeil toujours glauque que je me représentais au troquet du coin où le patron, un lutin barbu et replet, m'accueillit avec un éclat de rire. Heureusement, le ronfleur affectueux avait pris la peine sur le trajet de me dérider pour m'éviter d'être sur les mauvais starting-blocks pour la journée. Ronfleur certes, charmant assurement.10 millions de Français sont directement touchés par ce phénomène. Doctissimo ne précise pas combien le sont indirectement : 10 autres millions pour leurs voisins de couche? Sachant que le ronflement peut survenir avec l'âge, l'avenir ne me paraît pas rose. Pour preuve: à force de se réveiller mutuellement par leurs ronflements respectifs, les parents ont fini par faire lit à part après 65 ans. Perpective peu réjouissante dans une société qui revendique le lit commun, contrairement aux Nordiques et aux Anglo-Saxons. En désespoir de cause, je me réfèrerai donc à cette maxime des Shadoks :Pour tout savoir sur le ronflementronflement.info, un site d'informations où l'on apprend que "ces problèmes surviennent notamment lorsque les muscles de l'arrière-gorge, du palais, de la luette et de la langue, se relâchent pendant le sommeil profond et vibrent bruyamment au passage de l'air durant l'inspiration. Le passage de l'air est d'autant plus limité quand la luette et le voile du palais sont plus relâchés et volumineux." Le ronflement est à l'origine de l'apnée du sommeil qui, en empêchant le ronfleur de faire correctement ses nuits, provoque la somnolence durant la journée et un moindre rendement au travail ! Les facteurs prédisposants sont un poids trop important (c'est le cas), la prise d'alcool (c'était le cas), le tabagisme (il faut que j'arrête?) et les somnifères (on n'en est pas encore là).L'une des solutions est le port d'un masque nasal pendant le sommeil insufflant de l'air. Pas plus sexy que le persil les bouchons dans les oreilles ! Shadok, quand tu nous tiens ...Le site de vulgarisation médicale DoctissimoA lire : l'excellent récit que fit Joyce face à une telle situation.Pssiiit: j'ai failli mettre ce récit dans la rubrique 'Les oreilles en partage' ... Haut de page