Bloggeuses !

L'idée

Ce blog regroupe les articles publiées par des bloggeuses. Inscrivez-vous pour pouvoir ajouter des weblogs à la liste des weblogs tenus par des femmes qui ne sont pas des suivi de vie/journaux intimes.

“Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font”

Publié par [moi] le Lundi 3 Août 2009, 22:23 dans la rubrique Bric à brac - Version imprimable

Source : Technorati

Luc 23, 34. Je sais que Ségolène Royal s’est fait raillée dernièrement pour avoir utilisé cette citation mais c’est elle (la citation) qui me vient à l’esprit en voyant cette énième aberration prendre corps. Il semblerait que nos collectifs révolutionnaires libérateurs locaux envisagent de remettre le couvert en septembre. La rumeur qui courait depuis la fin de la grève précédente (vous avez bien lu), et qui enflait depuis la semaine dernière, semble s’être matérialisée ce week-end puisque la date du 11 septembre (acte manqué en terme de symbole ?) est désormais avancée, pour la reprise des hostilités, en ce qui concerne la Martinique. Et là je me pose des questions sur la santé mentale de nos libérateurs du joug de l’oppresseur historique pourfendeurs des inégalités de toutes sortes dont l’Autre est responsable (bien sûr). J’y vais un peu fort pour le coup ? My bad. Peut-être sont-ils juste frappés de cécité, de surdité ou d’illettrisme, alors ? Les trois conjugués ? Non parce que si quelqu’un ose prétendre que la situation s’est ne serait-ce qu’arrangée d’une manière ou d’une autre sur cette île (je parle pour la Martinique puisque j’y vis) depuis cette grève… Non, je m’exprime mal ; si quelqu’un ose prétendre que ce type de mouvement (exemple probant de celui de février à l’appui) contribue à changer la situation dans une économie comme la nôtre : soit il ne vit pas dans l’île, soit il est Technorati pour lui d’enlever ses œillères pour regarder la réalité, économique notamment, en face ! Et la réalité, les commentaires et les chiffres de l’IEDOM nous en donne un assez bon aperçu me semble-t-il. “Au lendemain des conflits sociaux, l’ensemble des secteurs d’activité peine à rebondir. Les indicateurs de l’activité touristique sont préoccupants, avec un taux d’occupation des hôtels de 47 % en mars 2009 contre 72 % en mars 2008. La fermeture des grandes surfaces a fait chuter le chiffre d’affaires de la grande distribution (-33,5 % en cumul sur un an en mars). Le secteur de la construction a été particulièrement pénalisé, notamment par le gel ou l’annulation de projets d’investissements des acteurs privés (les ventes cumulées de ciment ont diminué de 44,1 % sur un an à l’issue des trois premiers mois de l’année). Les entreprises de l’industrie agro-alimentaire ont vu leurs exportations diminuer de 22,6 % entre décembre 2008 et mars 2009. La vulnérabilité financière des agents économiques s’est fortement dégradée sur le 1er trimestre, en particulier celle des personnes morales.” (Synthèse trimestrielle des conjonctures ultramarines, Numéro 17, juin 2009)

Ca c’est pour un commentaire général. Les chiffres aussi parlent d’eux-même. Chômage ? 22,8% (mai 2009). Prix ? L’indice des prix à la consommation enregistre une variation de -0,2% de glissement annuel (mai 2009). Commerce extérieur ? Importations ? -56,5% de glissement annuel. Importations ? -25,3% de glissement annuel. Bref. Mes sources ? Bulletin Trimestriel de conjoncture économique du premier trimestre 2009 et La Lettre de l’Institut d’émission de juillet 2009. Pour faire simple : tous les indicateurs sont dans le rouge. Tous (dont celui des prix qui est en trompe-l’oeil). Je décode ? Nous sommes dans la merde jusqu’au coup économiquement parlant et le mouvement social de février n’est pas exempt de responsabilité quant à la situation actuelle ! Pire, il n’y a pas ne serait-ce qu’une lueur d’espoir ! Horizon économique bouché. Bouché. Ce malgré les mesures d’urgence prises par le Technorati colonialiste français pour parer au plus pressé (plan CORAIL). Don’t get me wrong, je ne dis pas que c’est la grève qui a mis notre économie dans cet état - tout le Technorati s’accorde à dire qu’elle était déjà à genoux - mais 38 jours de grève générale ne risquaient pas de la ressusciter ! Et quelqu’un, ne serait-ce qu’une seule personne sur cette île, envisagerait sérieusement un autre mouvement social ? Vraiment ? De la même envergure (ou pas d’ailleurs) que celle du début de l’année ? Really ? Imaginons, une demi-seconde, que les leaders du C5F (”Collectif du 5 février” je le rappelle pour les retardataires) n’aient pas eu accès aux bulletins de l’IEDOM ou aux médias loacaux. Imaginons. Ca peut arriver, ne leur jetons pas trop vite la pierre. Dites, ils sortent quand même de chez eux, non ? Ah oui c’est vrai, les problèmes et l’accentuation des effets de la crise économique c’est parce qu’aucun des accords signés durant la grève n’a été respecté. Ils ont la solution et “on” ne les écoute pas. Mieux, ils sont la solution ; la seule voie par laquelle peut et doit venir la lumière (d’où le boycott des Etats généraux de l’Etat français colonialiste), n’est ce pas ? Que ces solutions marxistes-léninistes un brin utopistes et teintées de nationalisme ne soient pas viables économiquement ce n’est pas grave je suppose… Seule compte la lutte. Et puis Matinik sé ta nou, Matinik sé pa ta yo ! Ah, mais c’est qu’on a trouvé à qui le “yo” voulait faire allusion ! Si, si ! Suis-je la seule à trouver la conclusion aussi affligeante que le slogan ? Bref. Une lueur d’espoir cependant : il semblerait que la population martiniquaise, comme celle de Guadeloupe d’ailleurs, ne voit pas les choses du même œil (on se demande bien pourquoi !) et que notre collectif ait du mal à mobiliser ou re-mobiliser ses troupes. J’ai dit “lueur”. Parce que vu la “nature” de nos grèves locales ce facteur peut ne rien changer pas changer grand chose à l’affaire. Je m’explique: il suffit d’avoir les bons corps de métier embrigadés (dockers, gérants de station service et transporteurs routiers en tête) pour que l’île soit de nouveau paralysée sans qu’il soit tenu compte plus que ça de l’avis de la population… puisque c’est pour son bien, vous comprenez ? Après on laisse pourrir la situation et on reproche à tous ceux qui essaient de s’élever contre et parlent d’Etat de droit d’être à la solde du grand capital comprendre en vrac “pro-békés”, “assimilés”, “ennemis du peuple martiniquais conscient et de ses intérêts”. Pendant ce Technorati on évite de mettre sur le tapis les sujets qui fâchent mais qui constitueraient ne serait-ce qu’un début de solution : octroi de mer, salaires et statuts des dockers qui contribuent à faire du port de Fort-de- Technorati un des plus chers de Technorati, monopole de la CGM pour le transport maritime des marchandises, règles d’importations des produits (taxes et surtaxes) obsolètes  et/ou non contrôlées, abus de toutes sortes (qui ne sont pas le fait que d’une caste bien connue), aides européennes qui repartent fautes d’être utilisées où qui nous passent sous le nez à cause de dossiers mal ficelés ou pas ficelés du tout, grèves trop fréquentes… et même indemnité de 40% des fonctionnaires à condition de remettre certaines choses à plat (vaste sujet qu’il faudrait traiter en évitant les amalgames et les raccourcis manichéens). Je continue ? Non. Je vais m’arrêter là. Ne remettons donc pas en cause nos pratiques. C’est vrai qu’il est préférable de ne blâmer que l’Autre (tel qu’il soit). Surtout continuons à utiliser des méthodes qui ont fait leur preuve (avancées certaines après luttes sociales de 70) mais qui ont également fait leur Technorati ! Je ne dis pas qu’il n’y pas de problèmes; je dis que la solution envisagée (grèves à répétition) les aggrave. Mais finalement, pour vous livrer le fond de ma Technorati, la citation biblique en titre de ce billet n’est pas appropriée. Je serait tentée plutôt de dire “Père, pardonne-leur, car ils savent pertinemment ce qu’ils font”… Prions pour que nous, Martiniquais, ne nous laissions pas instrumentaliser.


Article précédent - Commenter - Article suivant -