L'idée
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Source : Le blog du bouchon blog du bouchon sur Technorati">
Les premières gouttes tombent, rares, froides, fines comme des lames.L’envie d’en recueillir une, ne serait-ce qu’une, sur le bout de ma langue.de découvrir leur goût.Son goût.Le goût de la pluie.Bienvenue quand le soleil se fait trop fort, quand la chaleur se fait pesante, quand les plantes tendent leurs feuilles en voie d’assèchement vers un ciel désespérément bleu, quand les animaux se terrent dans un sol craquelé.Apaisante quand elle fouette la peau accompagnée d’une brise chaude, quand elle survient sans prévenir, quand elle affole une humanité endimanchée à la sortie de l’église ou pique-niquante.Mauvaise quand elle se fait forte, quand elle embarque le vent avec elle, quand elle soulève toits et maisons, quand elle fait ruisseler la terre devenue boue sous son égide.Certains disent d’elle qu’elle est pure, qu’elle est bénie, qu’elle vient du ciel. D’autres disent qu’elle est impure, contaminée par le fourmillement de cette colonie travaillant à ses pieds. On lui prête la colère des dieux quand elle déclenche des ravages.Le goût de la pluie.Vais-je oser tirer la langue pour connaître ce goût, savoir si ce sont les uns ou les autres qui ont raison ? Que penseront mes voisins s’ils me voient, à cette heure avancée du soir, la langue en avant et virevoltant sur moi-même à la recherche d’une goutte ? Je m’en moque, comme d’habitude. D’abord timide, ma langue s’enhardit tandis que mon corps amorce un quart de tour.Clic ! Le cliquetis du portail arrête net mon geste. Deux femmes remontent l’allée du jardin. Eles ne parlent pas ma langue, leurs mains étant plus utiles aux taudis commerciaux d'ici-bas ; elles n’habitent pas le même immeuble. Mais la raison a retrouvé son emprise sur ce moment presque magique de redécouverte des sens.Je tends une main vers le ciel. Seuls les doigts sont découverts. Ils se tordent, font des arabesques, ils s’étirent à la recherche d’une goutte, aussi petite soit-elle. Mais la pluie est clairsemée. Même froide, même fine, même coupante, elle se laisse désirer.Ce soir, je ne goûterai pas la pluie.J’aurais cependant découvert le fondant de petits corps bruns lovés dans leur coquille un peu plus tard. Même leur chaleur extrême n’aura pas amoindri cette sensation de crème se répandant sur l’organe souffrant de sa gourmandise. L’idée que ces petits corps aient été vivants auparavant ne limitera pas pour autant ma dégustation. Omnivore je suis, omnivore je reste. Fermés pour ne pas voir la matière et mieux sentir leur consistance, les yeux laisseront toute latitude à cet autre sens. Brûlé, souffrant de cent maux et de mille délices, celui-ci se repaîtra dans une onde apportant l’amertume du Martini blanc contrastée par la douceur du jus de pomme. Haut de page